19 octobre 2021 Pierre Perrin-Monlouis
Qu’est-ce que le protocole de Kyoto ?
La convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et le protocole de Kyoto constituent l’unique cadre international pour la lutte contre les changements climatiques[1].
Adoptée en mai 1992 et entrée en vigueur en mars 1994, la CCNUCC a été la première mesure internationale arrêtée pour résoudre ce problème. Elle impose à tous ses signataires de mettre en place des programmes nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de soumettre des rapports périodiques. En outre, les pays industrialisés signataires[2], à l’exclusion toutefois des pays en voie de développement, doivent, d’ici à l’an 2000, stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990.
En établissant une distinction entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement, la CCNUCC reconnaît que les pays industrialisés sont les principaux responsables de l’accumulation actuelle des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et ont la capacité institutionnelle et financière de réduire ces émissions. Les parties se réunissent chaque année pour faire le point sur les progrès accomplis et examiner de nouvelles mesures potentielles, et divers mécanismes de surveillance et de notification à l’échelle planétaire ont été institués pour inventorier les émissions de gaz à effet de serre.
Dès 1994, il était admis que les engagements contractés initialement dans le cadre de la CCNUCC ne permettraient pas à eux seuls de stopper l’augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre. Le 11 décembre 1997, les gouvernements ont franchi une nouvelle étape en adoptant un protocole à la CCNUCC dans la ville de Kyoto, au Japon: le protocole de Kyoto. Dans le cadre mis en place par la CCNUCC, le protocole de Kyoto fixe des valeurs limites juridiquement contraignantes pour les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés et prévoit, pour maintenir le coût de la réduction des émissions à un niveau peu élevé, des mécanismes d’application innovants et fondés sur les mécanismes du marché.
En vertu du protocole de Kyoto, les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de six gaz à effet de serre (le CO2 – le plus important, le méthane, l’oxyde d’azote, les hydrofluorocarbures, les perfluorocarbures et l’hexafluorure de soufre) en moyenne de 5,2% par rapport aux niveaux de 1990 pendant la première «période d’engagement» (2008-2012). Il n’est pas fixé d’objectifs d’émission pour les pays en voie de développement.
Il a été jugé préférable de choisir une période d’engagement de cinq ans plutôt qu’une année précise afin d’atténuer l’impact des fluctuations annuelles des émissions dues à des facteurs incontrôlables tels que les conditions météorologiques.
C’est en 2005 que doivent débuter les négociations internationales concernant les engagements à prendre pour la période après 2012. Le 9 février 2005, la Commission a adopté une communication[3] énonçant les principaux éléments de la stratégie de l’UE après 2012.
Avec l’entrée en vigueur du protocole, le 16 février 2005, les engagements pris par les parties qui l’ont ratifié deviennent juridiquement contraignants. L’entrée en vigueur du protocole est subordonnée à sa ratification par au moins 55 parties à la CCNUCC et à la présence, parmi ces dernières, de pays industrialisés (pays visés à l’annexe I) responsables ensemble d’au moins 55% des émissions de CO2 en 1990. La première condition est remplie depuis un certain temps déjà, pas moins de 140 pays ainsi que la Communauté européenne ayant ratifié le protocole à ce jour. La ratification de la Russie, le 18 novembre 2004, a permis d’atteindre le seuil de 55% et a lancé le compte à rebours de l’entrée en vigueur du protocole 90 jours plus tard. Seuls trois pays auxquels le protocole assigne des objectifs ne l’ont pas encore ratifié: l’Australie, Monaco et les États-Unis.
Après l’adoption du protocole de Kyoto, les négociations concernant les modalités de fonctionnement des mécanismes prévus et les règles d’application se sont poursuivies. Les négociations finales se sont achevées par les accords de Marrakech en 2001. L’UE a contribué de manière appréciable à l’aboutissement de ces négociations.
Quels sont les effets de l’entrée en vigueur du protocole?
L’entrée en vigueur du protocole:
relance les efforts déployés au niveau international pour lutter contre le changement climatique. Il engage 140 pays et l’UE à unir leurs forces pour relever ce défi et montrer ainsi au reste du monde, non seulement que c’est possible, mais aussi que cela peut se faire de manière efficace et économique;
suppose que les pays industrialisés auxquels des objectifs ont été fixés sont juridiquement tenus de limiter ou de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2012;
déclenche le démarrage rapide de plusieurs instruments fondés sur le marché, qui ont été prévus par le protocole, ce qui créera des marchés mondiaux d’échange des droits d’émission. Ces instruments permettent aux parties auxquelles des objectifs de réduction ont été fixés de respecter leurs engagements de façon rentable, et aideront également les pays en développement à limiter leurs émissions.
L’expérience acquise dans leur utilisation fournira de précieux enseignements pour l’élaboration d’une stratégie internationale avisée, applicable après 2012 en matière de changement climatique;
fournit la base juridique nécessaire pour entamer des négociations sur le régime applicable après 2012 en matière de changement climatique. La première réunion des parties au protocole se tiendra en novembre 2005;
constitue un message fort, témoignant d‘une volonté politique de plus en plus nette d’évoluer vers une économie ne portant pas atteinte au climat. Cet aspect incitera davantage le secteur privé et la communauté de recherche à innover et à mettre au point des technologiques propres et compétitives pour l’avenir.
Engagements de l’UE au titre du protocole de Kyoto et progrès réalisés dans leur mise en œuvre
Au titre du protocole de Kyoto, l’UE s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8% au cours de la première période d’engagement (2008-2012). Cet objectif est partagé entre les 15 États membres que comptait l’UE lorsqu’elle a ratifié le protocole, le 31 mai 2001, aux termes d’un accord juridiquement contraignant sur la répartition de la charge qui fixe un objectif d’émission pour chaque État membre de l’UE des 15[4]. Sur les dix nouveaux États membres qui ont rejoint l’UE le 1er mai 2004, huit se sont vu attribuer à titre individuel un objectif de réduction de 6 ou 8%. Seules Chypre et Malte ne figurent pas à l’annexe I de la convention et, partant, ne sont pas liées par un objectif.
L’UE a fait mieux que respecter son engagement contracté au titre de la CCNUCC, à savoir stabiliser, d’ici à l’an 2000, ses émissions de gaz à effet de serre aux niveaux de 1990: elle a réduit ses émissions de 3,3% au cours de la période considérée. Selon le dernier rapport d’avancement de la Commission[5], publié en décembre 2004, les émissions de gaz à effet de serre de l’UE des 25 en 2002 étaient inférieures de 9% à leurs niveaux de 1990. Quant aux émissions de l’UE des 15, elles étaient inférieures de 2,9% à leur niveau de 1990. La mise en œuvre effective des politiques et mesures existantes et supplémentaires, conjuguée avec le recours aux mécanismes de Kyoto, devrait permettre à l’UE d’atteindre son objectif au regard du protocole de Kyoto. Le rapport souligne toutefois également que plusieurs États membres auront fort à faire pour se remettre sur les rails (voir l’annexe pour davantage de détails).
Que se passera-t-il si un pays n’atteint pas l’objectif qui lui a été fixé ?
Les dispositions du protocole de Kyoto en matière de respect des obligations comptent parmi les plus complètes et les plus rigoureuses au niveau international. Si une partie n’atteint pas son objectif de réduction des émissions, le protocole prévoit qu’elle devra rattraper la différence au cours de la deuxième période d’engagement (après 2012), avec une pénalité de 30% de réduction supplémentaire. Elle devra aussi élaborer un plan d’action décrivant les mesures qu’elle compte prendre pour respecter ses engagements et indiquant le calendrier prévu pour cela. En outre, son droit de «vendre» dans le cadre du système international d’échange des droits d’émission prévu par le protocole sera suspendu.
Si l’un des 15 États membres tenus par l’accord communautaire de partage de la charge n’atteint pas son objectif, la Commission européenne peut décider d’entamer une procédure d’infraction qui peut se solder par une peine de jours-amendes infligée par la Cour de justice des Communautés européennes.
Pour ces 15 États membres, les procédures de respect des dispositions du protocole de Kyoto ne s’appliqueront que si l’UE des 15 dans son ensemble n’atteint pas son objectif de réduction de 8%. Si cela arrivait, chaque État membre resterait lié par son objectif au titre de l’accord de partage de la charge, et l’UE dans son ensemble se trouverait en défaut par rapport à son obligation d’atteindre l’objectif de -8%.
Les autres membres de l’UE des 25 sont liés par leurs objectifs individuels tels qu’ils ont été fixés par le protocole de Kyoto, au titre des procédures de respect des dispositions du protocole de Kyoto et au titre de la législation communautaire.
Les mécanismes de flexibilité fondés sur le marché du protocole de Kyoto
Le protocole de Kyoto prévoit trois mécanismes fondés sur le marché: l’échange des droits d’émission, l’application conjointe et le mécanisme de développement propre. Ces mécanismes visent à permettre aux pays industrialisés d’atteindre leurs objectifs en échangeant entre eux des droits d’émission et en obtenant des crédits supplémentaires en mettant en œuvre des projets de réduction des émissions à l’étranger. L’application conjointe se rapporte aux projets lancés dans des pays qui doivent respecter des objectifs d’émission, tandis que le mécanisme de développement propre concerne les projets menés dans des pays en développement auxquels il n’a pas été attribué d’objectifs.
Le raisonnement qui sous-tend l’établissement de ces trois mécanismes est que les émissions de gaz à effet de serre sont un problème mondial et que l’endroit où les réductions ont lieu est sans importance sur le plan scientifique. Les réductions peuvent ainsi être réalisées là où les coûts sont les moins élevés, du moins pendant la phase initiale de la lutte contre le changement climatique.
Des règles et des structures de surveillance ont été mises en place pour éviter les abus.
Échange des droits d’émission
En prévision de l’entrée en vigueur du protocole, et pour commencer à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, l’UE a mis en place son propre système interne d’échange de quotas d’émission. Ce système, inauguré le 1er janvier 2005, s’applique à la totalité des 25 États membres de l’UE et constitue le premier mécanisme multinational d’échange de quotas d’émission au monde.
En vertu du mécanisme européen, les États membres de l’UE plafonnent les émissions de CO2 des entreprises à forte consommation d’énergie (quelque 12 000 aciéries, centrales électriques, raffineries de pétrole, papeteries, usines de production de verre et cimenteries) en leur délivrant des quotas déterminant la quantité d’émissions de CO2 qu’elles sont autorisées à rejeter dans l’atmosphère. Les entreprises dont les émissions sont inférieures aux quotas qui leur ont été octroyés pourront vendre leur excédent aux entreprises qui éprouvent des difficultés à respecter les valeurs limites qui leur ont été assignées ou qui estiment que les mesures de réduction des émissions sont trop coûteuses par rapport au prix des quotas. Les entreprises sont également autorisées à dépasser leurs quotas si elles ont acheté des quotas supplémentaires sur le marché.
Dans la mesure où ce mécanisme incite les entreprises à réduire leurs émissions là où ces réductions sont les moins coûteuses, le coût de la réduction des émissions pour l’économie dans son ensemble est aussi faible que possible et l’innovation est encouragée.
On estime que les entreprises qui participent actuellement à ce système représentent quelque 45% de l’ensemble des émissions de CO2 de l’UE. D’autres secteurs, tels que les producteurs d’aluminium, l’industrie chimique et le secteur des transports, pourraient être intégrés par la suite.
L’Union européenne a également fait part de sa volonté de lier le système européen aux systèmes d’échange des autres pays qui ont ratifié le protocole de Kyoto.
L’application conjointe et le mécanisme de développement propre
Dans le cadre du protocole, l’application conjointe (AC) et le mécanisme de développement propre (MDP) permettront aux pays industrialisés de s’acquitter d’une partie de leurs engagements de réduction des émissions en menant des projets dans ce sens à l’étranger et en comptabilisant à leur crédit les réductions ainsi réalisées. L’application conjointe concerne les projets mis en œuvre dans d’autres pays industrialisés auxquels des objectifs ont été fixés au titre du protocole de Kyoto, alors que le mécanisme de développement propre s’applique aux projets réalisés dans des pays sans objectifs d’émission, c’est-à-dire aux pays en voie de développement. Pour que les réductions réalisées génèrent des crédits, il faut que les projets en question se traduisent par des avantages réels, mesurables et durables en termes d’atténuation des changements climatiques.
En octobre 2004, l’UE a adopté une modification de la directive relative au système d’échange de quotas d’émission, la directive dite «de liaison»[6], qui permet aux entreprises européennes couvertes par le système communautaire d’échange de quotas d’émission d’utiliser les crédits acquis au travers de projets entrepris dans le cadre du mécanisme de développement propre (à partir du 1er janvier 2005) et par les projets mis en œuvre dans le cadre de l’application conjointe (à partir du 1er janvier 2008) pour respecter les objectifs qui leur ont été assignés au titre du système d’échange de quotas d’émission (les gouvernements seront quant à eux habilités à utiliser les crédits acquis dans le cadre de projets relevant de l’application conjointe et du mécanisme de développement propre pour respecter les obligations auxquelles ils ont souscrit au titre du protocole de Kyoto pendant la première période d’engagement, c’est-à-dire de 2008 à 2012).
Le raisonnement qui sous-tend l’application conjointe et le mécanisme de développement propre s’apparente à celui sur lequel se fonde l’échange des quotas d’émission: le problème du changement climatique se posant à l’échelle planétaire, peu importe l’endroit où les réductions des émissions ont lieu. Ce qui importe, c’est qu’elles aient effectivement lieu. Le fait d’autoriser le recours aux crédits générés par les projets relevant de l’application conjointe et du mécanisme de développement propre dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission réduit les coûts annuels de mise en conformité supportés par les entreprises concernées.
Les projets entrepris dans le cadre de l’application conjointe et du mécanisme de développement propre assureront également le transfert de technologies respectueuses de l’environnement vers les pays en transition (application conjointe) et les pays en voie de développement (mécanisme de développement propre), ce qui aidera ces pays à adopter des schémas de développement plus viables.
La directive exclut les projets liés aux installations nucléaires, conformément aux règles imposées par le protocole de Kyoto, ainsi qu’aux «puits de carbone». Ces «puits de carbone» (forêts plantées pour absorber les émissions de CO2) constituent une pomme de discorde au niveau international car ces projets ne s’accompagnent pas de transferts de technologie, ils sont intrinsèquement temporaires et réversibles, et des doutes persistent quant à leurs effets en termes de réduction des émissions. Bien qu’il y ait accord à l’échelon international sur les types de projets forestiers que les gouvernements pourraient trouver acceptables au titre du protocole, il reste plusieurs problèmes d’ordre technique et politique à résoudre avant que ces crédits puissent être utilisés par les entreprises dans le cadre du régime communautaire d’échange de quotas d’émission.
Activités de l’UE pour lutter contre le changement climatique
La lutte contre le changement climatique compte parmi les principaux engagements auxquels l’UE a souscrit dans le cadre de la stratégie de développement durable approuvée par le Conseil européen à Göteborg en 2001. À cette occasion, l’UE avait également réaffirmé sa volonté d’atteindre les objectifs fixés au titre du protocole de Kyoto. Le Conseil européen de Bruxelles des 20 et 21 mars 2003 a invité les États membres à accélérer les progrès afin d’atteindre les objectifs fixés par le protocole de Kyoto. Le changement climatique est l’un des quatre domaines prioritaires recensés par le 6e programme d’action en matière d’environnement, aux termes duquel l’application intégrale du protocole est considérée comme une première étape importante vers la réalisation, à long terme, d’une réduction des émissions de 70%[7].
La principale mesure prise par la Commission pour mettre en œuvre le protocole est le «programme européen sur le changement climatique» (PCCC), lancé en mars 2000. Complétant les efforts déployés par les États membres, le PCCC a pour objectif, en consultation avec toutes les parties intéressées, de mettre en place des mesures économiquement avantageuses qui aideront l’UE à atteindre l’objectif de 8% de réduction de ses émissions. Depuis le lancement du PCCC, plus de 200 parties intéressées ont participé à 11 groupes de travail différents.
Les conclusions du deuxième rapport d’activité du PCCC, publié en avril 2003, indiquent qu’il existe toute une série de mesures susceptibles de contribuer à la réalisation de l’objectif de Kyoto[8]. Dans ce cadre, on a identifié 42 mesures de réduction des émissions d’un coût inférieur à 20 euros par tonne d’équivalent CO2 évitée. Combinées, ces mesures présentent un potentiel de réduction des émissions pouvant atteindre 700 millions de tonnes d’équivalent CO2. Or, la réduction nécessaire à l’UE pour atteindre l’objectif qui lui a été assigné au titre du protocole de Kyoto est estimée à quelque 340 millions de tonnes d’équivalent CO2.
Bien que le système d’échange de quotas d’émission soit la mesure qui offre les meilleures perspectives de réduction rentable des émissions, le Conseil et le Parlement européen ont également adopté plusieurs autres initiatives proposées par la Commission.
Ces initiatives comprennent un texte législatif visant à promouvoir les sources d’énergie renouvelables dans la production d’électricité et les biocarburants dans les transports routiers, un autre relatif à l’efficacité énergétique dans les bâtiments, la directive rattachant l’application conjointe et le mécanisme de développement durable au système européen d’échange de quotas d’émission, ainsi qu’une directive visant à promouvoir la production combinée de chaleur et d’électricité. D’autres mesures proposées par la Commission sont encore à l’étude, notamment un texte législatif réglementant les gaz fluorés. La Commission a par ailleurs négocié avec tous les constructeurs automobiles européens, japonais et coréens un accord aux termes duquel ces derniers s’engagent, d’ici à 2008/2009, à réduire les émissions de CO2 des véhicules neufs de 25% en moyenne par rapport aux niveaux de 1995.
Incidences du changement climatique
Les effets du changement climatique commencent déjà à se manifester et devraient encore s’amplifier avec l’augmentation des températures. Au cours du XXe siècle, la température moyenne de la planète s’est élevée d’environ 0,6°C et celle de l’Europe a augmenté de plus de 0,9°C. Au niveau mondial, les années 1990 ont été la décennie la plus chaude depuis 1861, et les dix années les plus chaudes ont toutes été enregistrées après 1991.
Le groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui regroupe les experts internationaux les plus éminents dans ce domaine, estime dans son troisième rapport d’évaluation publié en 2001 que la température moyenne à la surface de la terre devrait, en l’absence de nouvelles mesures, augmenter de 1,4 à 5,8°C entre 1990 et 2100, et que le niveau des mers devrait s’élever de 9 à 88 centimètres pendant la même période. Si rien n’est fait pour prévenir ou limiter ces changements, ils auront des répercussions significatives sur l’écosystème et sur les économies.
L’aire de répartition de différentes espèces va se modifier, et d’autres espèces vont disparaître. La modification des régimes des précipitations exerce des pressions considérables sur les ressources en eau de nombreuses régions, ce qui n’est pas sans conséquences pour l’approvisionnement en eau et l’irrigation. Les phénomènes météorologiques extrêmes et les inondations deviendront plus fréquents, avec les répercussions que l’on connaît en termes de coûts économiques et de souffrance humaine. Les saisons chaudes deviendront plus sèches au centre de la plupart des continents de latitude moyenne, entraînant une plus grande fréquence des sécheresses et la dégradation des sols. Cette évolution sera particulièrement grave pour les régions où la situation est déjà préoccupante en ce qui concerne la dégradation des sols, la désertification et les sécheresses. Les pays en développement seront particulièrement touchés et les maladies tropicales vont gagner du terrain.
Les constatations du GIEC ont été confirmées par un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement publié en août 2004[9], qui conclut que l’Europe se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale. La température en Europe devrait, selon les prévisions, grimper encore de 2,0 à 6,3°C durant ce siècle puisque les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser.
Le rapport fait état d’un large éventail d’incidences actuelles et futures du changement climatique en Europe, notamment les suivantes.
Depuis 1980, presque deux événements catastrophiques sur trois peuvent être directement attribués à des inondations, des tempêtes, des sécheresses ou des vagues de chaleur. Le nombre moyen annuel de ces catastrophes climatiques ou liées au climat a doublé au cours des années 1990 par rapport à la décennie précédente. Les pertes économiques dues à de tels événements ont plus que doublé durant les 20 dernières années pour atteindre quelque 8,5 milliards d’euros par an. Entre autres raisons à cela, une plus grande fréquence de tels événements et des facteurs socio-économiques comme la richesse accrue des ménages, une urbanisation continue et des infrastructures plus coûteuses dans les zones à risque.
Le nombre annuel d’inondations en Europe et le nombre de personnes touchées sont en augmentation. Le changement climatique va probablement accroître la fréquence des inondations, en particulier des crues éclair, qui constituent le plus grand danger pour les personnes.
Au cours des trois dernières décennies, le changement climatique a provoqué une diminution des populations d’espèces végétales dans diverses régions d’Europe, notamment les régions montagneuses. Certaines plantes sont menacées d’extinction car d’autres facteurs, dont la fragmentation des habitats, limitent la capacité des espèces végétales de s’adapter au changement climatique.
Dans huit des neuf régions glaciaires d’Europe les glaciers reculent et ce, à des cadences dépassant celles des 5 000 dernières années.
Le niveau des mers en Europe a augmenté de 0,8 à 3,0 mm par an au cours du siècle dernier. Selon les projections, cette augmentation devrait être de 2 à 4 fois plus rapide durant ce siècle.
Les projections montrent que, d’ici 2080, les hivers rigoureux pourraient presque totalement disparaître; les étés torrides, les sécheresses et les incidents dus à de fortes pluies ou grêles pourraient, quant à eux, devenir beaucoup plus fréquents.
Que se passera-t-il à l’expiration du protocole de Kyoto en 2012?
Les discussions au sein de la communauté internationale concernant les activités à entreprendre après 2012 pour lutter contre le changement climatique devraient débuter cette année. Ce qui semble d’ores et déjà évident, c’est que les réductions des émissions de gaz à effet de serre requises de la part des pays industrialisés par le protocole ne suffiront pas pour résoudre le problème du changement climatique. L’objectif de l’UE est de limiter l’augmentation de la température moyenne de la planète à 2°C par rapport au niveau pré-industriel (cette augmentation est censée être dans les limites de nos capacités d’adaptation). Pour atteindre cet objectif, des réductions beaucoup plus importantes des émissions mondiales de gaz à effet de serre seront nécessaires.
Il apparaît aussi que le futur régime devra comprendre des mesures à mettre en œuvre par un éventail plus large de pays que ce n’est le cas du protocole de Kyoto et qu’un plus grand nombre de pays devront, à un moment ou à un autre, prendre des engagements de réduction quantifiables, en fonction de leurs «responsabilités communes mais différenciées».
Au printemps 2004, le Conseil européen a invité la Commission à élaborer une analyse coût-avantages des stratégies de réduction des émissions, comprenant des objectifs à moyen et à long terme.
À la suite de cette demande, la Commission européenne a lancé, en septembre 2004, une consultation des parties prenantes afin de recueillir des idées et des résultats de recherche en ce qui concerne le futur régime à appliquer sur le plan international en matière de changement climatique; une conférence des parties prenantes a eu lieu le 22 novembre[10]. Les observations et informations recueillies ont été intégrées dans un rapport de la Commission au Conseil, intitulé «Vaincre le changement climatique planétaire», adopté par la Commission le 9 février 2005[11].
La communication recommande d’associer cinq éléments clés à la stratégie de négociation de l’UE pour la période après 2012:
participation internationale plus large,
extension du nombre de secteurs d’activité concernés (notamment l’aviation et le transport maritime),
mise au point et utilisation accrues de technologies à faible taux d’émission de carbone,
utilisation de mécanismes basés sur le marché,
adaptation aux effets du changement climatique.
Ce rapport servira de base de discussion lors du Conseil européen de printemps des dirigeants européens en mars 2005. Les chefs d’État et de gouvernement devraient donner des orientations sur ce que devrait être le futur régime mondial en matière de changement climatique.
Annexe
Le graphique et le tableau suivants indiquent l’évolution passée des émissions des six gaz à effet de serre jusqu’en 2002, assortie de projections pour l’avenir. Pour plus d’informations, il y a lieu de se reporter au rapport d’avancement de la Commission de décembre 2004[12]. Les émissions de l’aviation et de la navigation internationales, ainsi que les émissions/retraits liés à la réaffectation des sols et à la sylviculture, ne sont pas couverts.
Figure 1: Émissions totales de gaz à effet de serre dans l’UE des 15 par rapport à l’objectif de Kyoto pour l’UE des 15
[ Les tableaux et graphiques sont disponibles en formats PDF et Word Processed ] Légende:
– GHG emissions (base year = 100): émissions de GES (année de référence = 100)
– GHG emissions: émissions de GES
– Target path 2010: objectif de régression linéaire pour 2010
– GHG target 2010: objectif de réduction des GES pour 2010
– CO2 emissions: émissions de CO2
– CO2 target 2000: objectif de réduction du CO2 pour 2000
Tableau 1: Évolution des émissions de gaz à effet de serre et objectifs du protocole de Kyoto pour 2008-2012 (UE des 25)
Émissions de GES au cours de l’année de référence[13] (millions de tonnes de CO2)
Objectif de réduction[14] Émissions de GES en 2002
(millions de tonnes de CO2) Différence 2002-année de réf.
(en %) Différence 2002- 2001
(en %) Indicateur de distance par rapport à l’objectif
(en points de pourcentage)
Autriche 78,0 -13,0 % 84,6 +8,5 % +0,3 % +16,3
Belgique 146,8 -7,5 % 150,0 +2,1 % +0,5 % +6,6
Chypre — — — — — —
République tchèque 192,1 -8,0 % 142,8 -25,7 % -3,5 % -20,9
Danemark 69,0 -21,0 % 68,5 -0,8 % -1,2 % +11,8
Estonie 43,5 -8,0 % 19,5 -55,2 % +0,3 % -50,4
Finlande 76,8 0,0 % 82,0 +6,8 % +1,7 % +6,8
France 564,7 0,0 % 553,9 -1,9 % -1,4 % -1,9
Allemagne 1253,3 -21,0 % 1016,0 -18,9 % -1,1 % -6,3
Grèce 107,0 +25,0 % 135,4 +26,5 % +0,3 % +11,5
Hongrie 113,1 -6,0 % 78,0 -31,0 % -1,2 % -27,4
Irlande 53,4 +13,0 % 68,9 +28,9 % -1,6 % +21,1
Italie 508,0 -6,5 % 553,8 +9,0 % -0,1 % +12,9
Lettonie 28,9 -8,0 % 10,6 -63,1 % -1,1 % -58,3
Lituanie 50,9 -8,0 % 20,2 -60,2 % -2,6 % -55,4
Luxembourg 12,7 -28,0 % 10,8 -15,1 % +10,4 % +1,7
Malte 2,2 — 2,8 +28,5 % 0,0 % —
Pays-Bas 212,5 -6,0 % 213,8 +0,6 % -1,1 % +4,2
Pologne 565,3 -6,0 % 382,8 -32,3 % 0,0 % -29,0
Portugal 57,9 +27,0 % 81,6 +41,0 % +4,1 % +24,8
Slovaquie 72,3 -8,0 % 51,9 -28,2 % -0,8 % -23,4
Slovénie 20,6 -8,0 % 20,4 -1,1 % +0,6 % +3,7
Espagne 286,8 +15,0 % 399,7 +39,4 % +4,2 % +30,4
Suède 72,3 +4,0 % 69,6 -3,7 % +2,0 % -6,1
Royaume-Uni 746,0 -12,5 % 634,8 -14,9 % -3,3 % -7,4
Total UE des 15 4245,2 -8,0 % 4123,3 -2,9 % -0,5 % +1,9
Total UE des 25 5334,1 — 4852,4 -9,0 % +0,02 % —
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[1] Pour des renseignements détaillés concernant la CCNUCC et le protocole de Kyoto, consulter le site http://unfccc.int. [2] La CCNUCC divise les pays en deux grands groupes: au 7 février 2005, 189 pays étaient parties à la convention; 36 d’entre eux sont des pays industrialisés qui sont inclus dans l’annexe I de la convention. Les 153 autres sont appelés «pays non visés à l’annexe I». Les pays visés à l’annexe I comprennent les 25 pays industrialisés qui étaient membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1992, les 25 États membres de l’UE et 11 pays en transition vers une économie de marché, dont la Russie. [3] «Vaincre le changement climatique planétaire» (voir le site http://europa.eu.int/comm/environment/climat/pdf/comm_fr_050209.pdf) [4] Décision 2002/358/CE du Conseil du 25 avril 2002 [5] «Atteindre l’objectif communautaire de Kyoto», voir http://www.europa.eu.int/comm/environment/climat/progress_report.htm [6] Directive 2004/101/CE du 27 octobre 2004 modifiant la directive 2003/87/CE établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, au titre des mécanismes de projet du protocole de Kyoto. [7] Décision 1600/2002/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2002 [8] Deuxième rapport d’activité du PCCC – «Can we meet our Kyoto targets?», avril 2003. [9] «Impacts of Europe’s changing climate», rapport n° 2/2004 de l’AEE, disponible sur le site: http://reports.eea.eu.int/climate_report_2_2004/en/. [10] Voir http://www.europa.eu.int/comm/environment/climat/stakeholder_conf.htm [11] Voir http://www.europa.eu.int/comm/environment/climat/pdf/comm_fr_050209.pdf [12] Rapport de la Commission, «Atteindre l’objectif communautaire de Kyoto», Bruxelles, 20.12.2004, COM(2004) 818 final. [13] L’année de référence pour le CO2, le CH4 et le N2O est 1990; pour les gaz fluorés, l’année de référence est 1995, comme prévu par le protocole de Kyoto. Cela correspond à la préférence de la plupart des États membres.[14] UE des 15 = objectif prévu par l’accord communautaire de partage de la charge.