19 octobre 2021 Pierre Perrin-Monlouis
Que sont les régimes d’échanges préférentiels et quel est leur impact?
L’Union européenne a recours aux régimes d’échanges préférentiels pour accorder un traitement privilégié aux importations de certains pays. Pour ce faire, elle peut soit conclure des accords régionaux d’intégration économique créant des zones de libre-échange ou des unions douanières soit mener une action unilatérale (principalement destinée au développement des pays bénéficiaires) comme le système de préférences généralisées (SPG). L’UE compte au total quelque quarante régimes préférentiels avec des pays tiers ou des groupes de pays tiers.
En quoi consiste exactement la modification des règles d’origine proposée?
La Commission envisage de s’attaquer à la profusion actuelle de règles d’origine et de les remplacer par une règle unique fondée sur la valeur ajoutée dans le pays bénéficiaire. Selon cette méthode, un produit résultant de l’ouvraison ou de la transformation de matières non originaires importées serait considéré comme originaire si la valeur ajoutée dans le pays (ou dans la région en cas de cumul) est au moins égale à un certain seuil (une «teneur en valeur locale ou régionale» minimale), exprimé en pourcentage du coût de production net du produit final. Cette règle doit toutefois encore être vérifiée afin de s’assurer de sa compatibilité avec tous les secteurs.
Quels seraient les seuils de valeur ajoutée? Cela n’entraînerait-il pas un assouplissement des règles actuelles au détriment de l’industrie communautaire?
La valeur ajoutée exigée serait déterminée sur la base d’une analyse économique saine et selon les objectifs du régime préférentiel concerné, par exemple le développement, et, si cela ne nuit pas à ces objectifs, selon le degré requis de libéralisation des échanges. Les seuils pourraient être aussi élevés ou bas que nécessaire pour tenir compte de ces objectifs. Toutefois, ils ne devraient pas être plus restrictifs que les règles actuelles.
Quelles sont les règles d’origine actuelles?
Pour obtenir l’origine préférentielle d’un pays, les marchandises doivent être entièrement obtenues (par exemple, cultivées, extraites) sur place ou, si ce n’est pas le cas, avoir fait l’objet d’une transformation suffisante sur place. Les règles d’origine définissent actuellement la «transformation suffisante» à l’aide d’une très longue liste de critères d’origine qui varient d’un produit à l’autre.
Ces critères peuvent être basés sur des modifications de positions tarifaires, la valeur ajoutée, un besoin de transformation spécifique, l’utilisation d’intrants entièrement obtenus ou, très souvent, une combinaison de ces éléments. En outre, il convient de tenir compte de règles supplémentaires portant sur des opérations minimales (qui ne peuvent jamais acquérir le statut d’origine) et de tolérances.
Pourquoi est-il nécessaire de modifier les règles d’origine?
Dans le cadre du Programme de Doha pour le développement, assurer une meilleure intégration des pays en développement dans l’économie mondiale, en particulier en améliorant l’accès aux marchés des pays développés, demeure au premier rang des priorités des relations commerciales communautaires. Le commerce mondial a connu un développement (la mondialisation) qui n’avait pas été prévu lors de l’élaboration des règles préférentielles actuelles dans les années 1970. Les règles sont devenues caduques tout en gagnant peu à peu en complexité et en opacité. De plus, des efforts ont été menés pour harmoniser les règles entre les divers régimes préférentiels de l’UE. Alors que ces mesures devraient théoriquement faciliter leur compréhension et leur application, il n’en est rien car ces règles semblent avoir été simplement uniformisées et elles diffèrent en réalité très peu d’un régime à l’autre. Enfin, l’harmonisation à tout prix est souvent synonyme de manque de souplesse et d’incapacité pour les règles d’origine à s’adapter aux exigences économiques en mutation. L’approche harmonisée des règles d’origine préférentielles semble s’essouffler face aux politiques communes et aux nouveaux objectifs des régimes préférentiels.
Les opérateurs seront-ils favorables à ces modifications des règles?
La Commission pense que oui. Elle a publié, en 2003, un Livre vert sur l’avenir des règles d’origine dans les régimes commerciaux préférentiels (COM(2003) 787 final – voir IP/03/1766), qui mettait en lumière les problèmes posés par les règles actuelles et demandait l’avis de toutes les parties intéressées. La Commission a reçu 100 réponses de la part des gouvernements de pays tiers, d’associations professionnelles et d’opérateurs. Deux des principales conclusions retenues sont le caractère trop complexe et trop restrictif des règles d’origine actuelles ainsi que la nécessité de rationaliser et de simplifier.
Les modifications proposées seraient-elles vraiment efficaces?
La Commission pense que oui. Les opérateurs sont habitués à tenir compte de la valeur ajoutée pour des raisons commerciales ainsi que douanières et ils sont pleinement conscients de leurs coûts. De plus, même le système actuel les oblige à pouvoir assurer la traçabilité de toutes les matières utilisées. Quoi qu’il en soit, toutes les autres méthodes actuellement utilisées présentent leurs propres points faibles en termes de complexité et de manque de flexibilité et aucune n’est en mesure d’être appliquée uniformément.
Parallèlement, les modifications apporteraient plus de flexibilité aux décideurs communautaires, car ils pourraient plus facilement calquer les règles sur les objectifs (par exemple, ceux liés au développement) des régimes préférentiels concernés grâce à la détermination des seuils.
Toutefois, il va de soi qu’une approche aussi radicale suscitera de nombreuses questions de la part des opérateurs et des administrations et une évaluation ultérieurement sera menée avant la mise en œuvre des propositions. Si cette évaluation démontrait que l’approche basée sur la valeur ajoutée ne donnait pas les résultats escomptés dans certains secteurs, la Commission examinerait la possibilité de compléter cette approche ou envisagerait une autre approche plus efficace dans les secteurs en question.
Les nouvelles procédures proposées de déclaration d’origine empêcheront-elles les abus?
Oui. La preuve de l’origine est actuellement fondée sur une certification signée par l’exportateur et visée par les autorités compétentes du pays concerné. Elle serait remplacée par un système d’immatriculation préalable délivrée par les autorités des pays bénéficiaires des exportateurs, qui seraient autorisés à exporter sous un régime préférentiel donné. Les déclarations d’origine relèveraient alors de la seule responsabilité de ces exportateurs immatriculés. Les exportateurs sont les mieux placés pour connaître et démontrer l’origine de leurs marchandises.
En rendant les déclarations tributaires des exportateurs n’obligerait-on pas, de façon injuste, les importateurs à effectuer des vérifications?
La Commission ne le pense pas. Il est nécessaire d’équilibrer les rôles et les responsabilités des opérateurs et des administrations. Les importateurs ne peuvent être absous de toute responsabilité concernant leurs déclarations. Ils doivent déjà procéder à des contrôles auprès de leurs fournisseurs pour des raisons commerciales et il n’y a aucune raison de penser qu’ils ne devraient pas faire de même pour des raisons douanières. Les règlements à adopter sur la base de la communication spécifieraient les responsabilités de chacune des parties.
La Commission et les États membres devraient-ils contrôler la procédure d’origine?
Oui. Les régimes préférentiels sont fondés sur la confiance entre la Communauté et ses partenaires, étant donné que ce sont les pays partenaires qui sont chargés d’effectués les vérifications. Des régimes préférentiels peuvent déjà être retirés en cas de coopération administrative défectueuse avec des pays tiers mais nous avons besoin d’une base solide pour franchir cette dernière étape. De meilleures informations et une assistance technique devraient cependant nous aider à ne pas franchir ce pas.
Quelles sont les interactions entre cette nouvelle stratégie et le nouveau régime SPG?
Deux des objectifs du nouveau régime SPG sont d’améliorer les préférences et de garantir une utilisation accrue des préférences proposées. La nouvelle méthode de détermination de l’origine qui est proposée permettra d’atteindre plus facilement les objectifs de développement du SPG grâce à la définition de seuils adéquats de valeur ajoutée.
Quand la nouvelle stratégie de simplification des règles d’origine sera-t-elle mise en œuvre?
La Commission commencera par les régimes pour lesquels le besoin de changer est le plus pressant, c’est-à-dire les règles d’origine visant à appliquer le nouveau régime SPG. La Commission a l’intention d’adopter un règlement spécifique sur les règles d’origine du SPG dès que possible et d’introduire ces changements en 2006. Des modifications dans les autres régimes commerciaux préférentiels suivront. L’une des priorités sera d’appliquer la nouvelle approche aux accords de partenariat économique en cours de négociation avec six groupements régionaux de pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), qui tiennent entièrement compte des bénéfices actuels de l’accord de Cotonou. L’approche pourrait alors s’étendre progressivement aux accords de libre-échange actuels. En proposant de nouveaux régimes aux partenaires commerciaux, la Commission tentera d’éviter que les questions déjà réglées lors des négociations en cours ne soient pas remises en question et elle privilégiera une approche ouverte et constructive des nouvelles négociations.
Les modifications à apporter doivent-elles être approuvées par le Conseil et le Parlement?
Pas en ce qui concerne le SPG. Il s’agira d’un règlement de la Commission faisant appel à la procédure de comitologie et devant être approuvé par les États membres à la majorité qualifiée. Le Conseil et, dans certains cas, le Parlement seront associés pour autant qu’il s’agisse d’accords de libre-échange.
Qu’en est-il des règles d’origine non préférentielle?
La communication porte uniquement sur l’origine préférentielle et n’a aucune répercussion sur les travaux internationaux en cours sur l’harmonisation des règles d’origine non préférentielle; celles-ci seront maintenues et demeurent une priorité pour la Commission.
(voir également IP/05/320)