Contrefaçon : état de la situation

19 octobre 2021 Pierre Perrin-Monlouis

Les statistiques publiées en 2005 par la Commission européenne[1] montrent une augmentation sensible du nombre d’articles pirates et de contrefaçon saisis aux frontières extérieures de l’UE en 2003. Près de 100 millions d’articles de ce type, d’une valeur estimée à un milliard d’euros, ont été saisis par les douanes en 2003, contre 85 millions en 2002. L’accroissement du nombre de jeux et jouets saisis (12 millions, soit une augmentation de 996 % par rapport à 2002) est particulièrement préoccupant pour ce qui est de la santé et de la sécurité des consommateurs. Les saisies de produits alimentaires et de médicaments ont augmenté, sur la même période, de 77 %. La tendance observée ces dernières années, à savoir le passage de la contrebande d’articles de luxe à celle de produits d’usage plus quotidien, s’est poursuivie en 2003.

Selon les statistiques de 2003:

on a enregistré, en 2003, une augmentation globale de 9 % du nombre d’articles pirates et de contrefaçon saisis par les douanes aux frontières extérieures de l’UE, pour un montant de 100 millions comparé à 85 millions en 2002.
Les produits contrefaits représentent une menace croissante pour la santé et la sécurité des consommateurs. À cet égard, les plus fortes augmentations du nombre de saisies par rapport à 2002 ont concerné les jeux et les jouets de contrefaçon (12 millions, soit une hausse de 996 % par rapport à 2002). On a observé, en outre, un accroissement de 77 % du nombre de saisies de denrées alimentaires, d’alcool et d’autres boissons contrefaits. Parmi les produits alimentaires interceptés figuraient des bonbons, des gaufres, du chewing gum et même des pommes. On a également souvent trouvé du viagra contrefait dans du fret commercial et des envois postaux.
Les cosmétiques et les parfums sont demeurés une cible privilégiée des trafiquants – les quantités saisies augmentant de 800 % par rapport à 2002 -, de même que les CD, les DVD et les cassettes dont les saisies ont augmenté de 172 % par rapport à 2002 pour atteindre une valeur de 33 millions (soit un tiers de la valeur totale saisie en 2003).
La tendance récente au recul des contrefaçons d’articles de luxe s’est poursuivie, les trafiquants s’intéressant de plus en plus aux produits fabriqués en série. Ainsi les vêtements n’ont représenté que 4 % des produits confisqués – soit une baisse de 58 % par rapport à 2002 – et les montres et bijoux moins de 1 %.
70 % des marchandises pirates et de contrefaçon saisies par les autorités douanières en 2003 provenaient d’Asie.
Exemples de saisies en 2004 : La Hongrie a saisi environ 300 000 lotions pour le visage et le corps au premier trimestre, Malte a saisi quant à elle 10 000 pièces détachées automobiles, la Lituanie a intercepté 400 000 piles et les douanes estoniennes 11 navires remplis de vêtements contrefaits.

Annex I – Breakdown by number of cases registered and articles seized by type of product
EU – 2003
Product type Number of cases registered by Customs % Number of articles seized
% Comparison 2002-2003 of the number of articles
Foodstuffs, alcoholic and other drinks 17 0.2 1489908 1.6 + 77 %
Perfumes and cosmetics 116 1.1 1009879 1.1 + 801%
Clothing and accessories 5891 55 3876271 4.2 – 58 %
a) Sportswear 1217 11.4 404092 0.4 + 6 %
b) Other clothing (ready-to-wear,…) 2062 19.3 1323259 1.4 – 57 %
c) Clothing accessories (bags,sunglasses…) 2611 24.4 2148921 2.3 – 63 %
Electrical equipment 200 1.9 523275 0.6 – 70 %
Computer equipment (computers, screens…) 43 0.4 79402 0.1 + 68 %
CD (audio, games, software, DVD etc.) 1898 17.7 32616560 35.4 + 172 %
Watches and jewellery 1098 10.3 674327 0.7 + 59 %
Toys and games 497 4.6 12333868 13.4 + 996 %
Other goods 820 7.7 6370702 6.9 – 77 %
Cigarettes 130 1.2 33244507 36 + 6%
TOTAL EU 10709 100 92.218.700 100 + 9 %
ANNEX II -Evolution in % per Member State of the number of procedures
and the intercepted articles – Period 2002/ 2003
Member States Number of procedures % Number of intercepted articles %
Year 2002 2003 2002 2003
Austria 155 331 +113% 354352 499258 +41%
Belgium 396 830 +109% 17579272 55030118 +213%
Denmark 213 515 +141% 157410 42842 -73%
Finland 182 170 -7% 3545265 1607802 -55%
France 1083 1410 +30% 2143035 1134897 -47%
Germany 2583 2587 0.1% 5951247 13889111 +133%
Greece 29 9 -69% 2964064 1060878 -64%
Ireland 295 347 +17% 91206 93233 +2%
Italy 157 297 +89% 35779167 7695209 -78%
Luxembourg 55 71 +29% 109386 163610 +49%
Netherlands 544 905 +66% 5920768 3258120 -45%
Portugal 48 63 +31% 2063750 250105 -88%
Spain 439 761 +73% 6914478 5575529 -19%
Sweden 253 396 +56% 198788 374035 +88%
United Kingdom 1125 2017 +79% 623433 1543953 +147%
TOTAL 7 557 10 709 +42% 84 395 621 92 218 700 +9%

Breakdown by origin and by number of articles seized
2003 – ANNEX III

China 55025132 60%
Hong Kong 5638494 6%
Malaysia 2004898 2,5%
Taiwan 2691985 3%
Benin 1620000 2%
UAE 1774723 2%
Not com. 9560706 10,5%
Others 13902762 14%
ANNEX IV – Breakdown by number of cases registered and articles seized by type of product
EU – 2004 (1-3 quarter)
Product type Number of cases % Number of articles seized %
registered By customs
Foodstuffs, alcoholic and other drinks 41 0.3 314377 0.4
Perfumes and cosmetics 104 0.6 409000 0.5
Clothing and accessories 10055 61.5 4824363 6.5
a) Sportswear 3211 19.6 661825 0.9
b) Other clothing (ready-to-wear,…) 3185 19.5 991652 1.3
c) Clothing accessories (bags,sunglasses…) 3679 22.5 3170886 4.3
Electrical equipment 590 3.6 3403784 4.6
Computer equipment (computers,screens…) 90 0.6 244222 0.3
CD (audio, games,software, DVD etc.), 2300 14.1 16344137 22
Watches and jewellery 1493 9.1 316076 0.4
Toys and games 346 2.1 12273861 16.5
Other goods 1097 6.7 9417966 12.6
Cigarettes 216 1.3 26904609 36.1
TOTAL EU 16 352 100 74 452 395 100

Evolution du phénomène :

Un environnement favorable

Depuis le début des années 1980, les phénomènes de contrefaçon et de piraterie ont accompagné les évolutions économiques et politiques.

Avec le développement de la société de l’information et notamment de l’internet, les contrefacteurs et les pirates disposent d’un réseau instantané et global qui leur garantit un niveau élevé d’anonymat et leur permet de s’organiser et d’échanger leurs informations.

Par ailleurs, les techniques modernes et sophistiquées, facilement accessibles, permettent aux pirates de fabriquer des produits contrefaits de qualité remarquable, à peine différenciable des produits authentiques. Enfin, la création du marché unique sans frontières en l’absence d’un véritable espace judiciaire européen a favorisé l’expansion du phénomène.

Une pénétration de la criminalité organisée

La contrefaçon tient aujourd’hui une place non négligeable dans l’économie du crime. Bien qu’il soit extrêmement difficile de quantifier ce que représente ce phénomène, les estimations de l’ampleur de la contrefaçon commerciale livrent des “fourchettes” de l’ordre de 3 % à 9 % du commerce international[2].

Dans cette optique, la contrefaçon semble même devenir une alternative importante à d’autres formes du crime organisé. Les organisations criminelles confrontées à des marchés criminels raréfiés ou plus risqués en raison de la politique de répression et de sensibilisation des Etats dans certains domaines trouvent dans la contrefaçon une activité présentant un rapport entre risque et rentabilité des plus attractifs.

Les risques de sanctions pénales sont en effet minimes en matière de contrefaçon par rapport à d’autres formes du crime organisé.

Les conséquences dommageables

La contrefaçon et la piraterie portent atteinte aux entreprises européennes et au bon fonctionnement du marché intérieur : elles ont des répercussions sur le commerce entre Etats membres ainsi qu’un impact direct sur les conditions de la concurrence. Cette situation a un impact négatif sur la compétitivité et la croissance et crée d’importantes perturbations du marché.

La contrefaçon et la piraterie ont des répercussions sur le marché de l’emploi. De nombreux emplois sont perdus dans l’Union européenne à cause de la contrefaçon et la piraterie[3].

En plus des conséquences économiques et sociales, la contrefaçon et la piraterie portent atteinte à la sécurité et la santé des consommateurs qui se retrouvent victimes d’une tromperie sur la qualité qu’ils sont en droit d’attendre d’un produit revêtu d’une marque commerciale ou d’un label de qualité.

La contrefaçon de produits tels que des médicaments ou des alcools constitue un réel danger pour la santé[4]. En outre, la contrefaçon des jouets, des appareils électroménagers ou des pièces détachées d’avions met en danger la sécurité physique du consommateur.

Les Etats subissent des pertes importantes à plusieurs titres. L’Etat ne perçoit pas de TVA ou de droit de douane sur les produits qui ne sont pas licitement écoulés sur le marché ou importés ; d’autres pertes fiscales importantes résultent de la non taxation des profits des entreprises ou des revenus des particuliers qui s’adonnent à la contrefaçon[5].

Les causes de cette évolution

La contrefaçon représente aujourd’hui un débouché idéal pour les organisations criminelles[6] : une opinion publique peu sensibilisée à cette criminalité, un risque pénal limité, des preuves difficiles à rapporter, un préjudice quasiment impossible à quantifier dans son intégralité, des marchés potentiels immenses à l’échelle de la planète et des perspectives de profit considérables.

Du point de vue de l’offre de produits contrefaits ou piratés, le faible niveau de répression des actes de contrefaçon dans la législation des Etats conjugué aux profits importants qu’ils permettent de réaliser en font une activité illégale attractive, particulièrement pour les organisations criminelles.

Du point de vue de la demande de produits contrefaits, l’opinion est encore peu sensibilisée au problème de la contrefaçon.

Enfin, le potentiel de la contrefaçon en termes économiques est particulièrement vaste.

Il ne s’agit pas d’un marché spécifique mais d’une multitude de marchés. La demande n’est pas limitée aux pays nantis, elle est aussi forte dans les pays pauvres. Les marchés sont devenus mondiaux et les profits générés par ces activités illicites peuvent être phénoménaux.

Etat de la lutte contre la contrefaçon

Evolution de la situation au sein de l’Union

La Commission a présenté, le 15 octobre 1998, un Livre vert sur la lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans le marché intérieur. Dans ce cadre, les travaux ont confirmé les liens existant entre la contrefaçon et la criminalité organisée notamment dans les domaines de la musique et du logiciel. La Commission a présenté, le 30 novembre 2000 une communication de suivi du Livre vert contenant un plan d’action pour améliorer et renforcer la lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans le marché intérieur[7].

Une directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle a été adoptée le 29 avril 2004. A l’heure actuelle, il n’existe toutefois aucun dispositif spécifique au sein de l’Union dans le domaine pénal.

Niveau de la protection pénale dans les Etats membres

Actuellement, la plupart des atteintes aux droits de propriété intellectuelle sont considérées comme des infractions pénales dans les Etats membres mais les niveaux de sanctions varient considérablement et sont souvent trop faibles. De plus, dans un certain nombre de cas, les législations pénales ne prennent pas en compte de façon adéquate les évolutions du phénomène de la contrefaçon et du piratage au cours des dernières années et notamment l’implication grandissante des réseaux criminels organisés[8].

Résumé de la situation

La contrefaçon a changé de visage
Certains points paraissent à cet égard symptomatiques de son évolution :

son lien avec des organisations criminelles internationales ou des bandes organisées,
son accroissement quantitatif et, le cas échéant, qualitatif, ainsi que sa diversification à l’ensemble des secteurs d’activité.
son internationalisation, notamment au travers de moyens de communication modernes.
les risques qu’elle fait courir aux consommateurs.

[1] http://europa.eu.int/comm/taxation_customs/customs/customs_controls/counterfeit_piracy/statistics/index_fr.htm [2] “According to studies carried out by the OECD in 1998 and by the International Chamber of Commerce in 1997, counterfeits accounted for 5 to 7% of world trade and were responsible for the loss of 200,000 jobs in Europe. http://europa.eu.int/comm/taxation_customs/customs/customs_controls/counterfeit_piracy/combating/index_en.htm [3] Voir les estimations sur les pertes d’emplois en Europe indiquées dans COM(2003)46 final [4] Up to April 1999, the World Health Organisation found more than 771 cases of counterfeit medicines. Some of these had no active ingredients. Others had very small quantities. In the worst cases, the active ingredients had been replaced with fatal poisons.

Europe 1999 : More than 2000 medical kits were seized in a commercial consignment traveling from China to Greece . This medical equipment, consisting of a blood pressure monitor and a stethoscope, was intended for use on heart patients. The counterfeit brand was that of an optical-equipment specialist which did not make this type of item. In this consignment everything was fake, from the packaging to the object itself, as well as the technical note and the European standards attached to it.

Belgium 2000 : More than a tonne of pirate antipaludal and antibiotic medicines were intercepted traveling from Asia to Africa.

Over the same period, several million everyday consumer goods posing a health risk (such as lighters and toys) were intercepted by customs. http://europa.eu.int/comm/taxation_customs/customs/customs_controls/counterfeit_piracy/combating/index_en.htm

[5] S’agissant des pertes fiscales, voir les estimations indiquées dans COM(2003)46 final , p.11 [6] A cet égard, on peut consulter le rapport de l’Union des Fabricants 2003 : “contrefaçon et criminalité organisée” (www.unifab.com). [7] Document COM (2000) 789 du 30.11.2000 [8] Rapport final de l’Etude du CEIPI : législations pénales afférentes à la contrefaçon des droits de propriété intellectuelle pp. 110 à 170
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Trader & Analyste Financier
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