20 octobre 2021 Pierre Perrin-Monlouis
La Commission européenne a adopté aujourd’hui une communication invitant les États membres à effectuer une révision générale de leurs règles anti-abus dans le domaine de la fiscalité directe, en tenant compte des principes qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour de justice européenne et à envisager les possibilités de solutions coordonnées dans ce domaine. Pour éviter la fraude fiscale, les États membres ont mis en place des règles anti-abus visant à empêcher les agents économiques d’éroder la base d’imposition sur leur territoire en détournant leur revenu vers d’autres pays. Les règles anti-abus existant dans les États membres ne prennent souvent pas correctement en compte les libertés garanties par le traité et sont donc de plus en plus contestées. Dans le cadre d’une approche communautaire coordonnée de la fiscalité directe (IP/06/1827), la Commission souhaite aider les États membres à aligner leurs règles anti-abus sur les exigences du droit communautaire et à examiner les solutions constructives et coordonnées qu’il est possible d’apporter aux défis qui se posent aux États membres.
László Kovács, commissaire chargé de la fiscalité et de l’union douanière a déclaré: «Les récents arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes dans ce domaine indiquent clairement que les États membres doivent effectuer rapidement une révision critique de leurs règles anti-abus. Je comprends que les États membres aient besoin de protéger leur base d’imposition contre l’érosion indue résultant de stratégies fiscales abusives et ouvertement agressives mais nous ne pouvons tolérer la présence d’entraves disproportionnées aux activités transfrontalières au sein de l’UE. J’invite les États membres, afin de trouver le juste équilibre, à examiner ensemble toutes les solutions coordonnées possibles».
La mise en place d’un droit fiscal européen incite l’UE à aborder les problèmes liés à l’application des règles anti-abus. Au cours des dernières années, la Cour de justice des Communautés européennes a rendu de nombreux arrêts dans ce domaine (par exemple Eurowings, Lankhorst-Hohorst, Cadbury-Schweppes, Thin Capitalisation GLO)[1] dans lesquels elle a précisé les limites de l’utilisation licite des règles en matière de lutte contre l’évasion fiscale. Celles-ci ne doivent pas être trop générales, mais viser les montages purement artificiels, c’est-à-dire les situations caractérisées par l’absence d’implantation véritable ou, plus généralement, de justification commerciale.
Ces décisions ont un impact important sur les règles existantes qui n’ont pas été formulées en tenant compte des contraintes communautaires.
Il est certes important de veiller à ce qu’aucun obstacle ne vienne indûment restreindre l’exercice des droits dont bénéficient les particuliers et les opérateurs économiques en vertu de la législation communautaire, mais les États membres doivent également être en mesure de gérer des systèmes fiscaux efficaces et d’éviter toute érosion indue de leur assiette fiscale imputable à des abus ou à la non-imposition involontaire. La Commission considère par conséquent qu’il est urgent:
de trouver un juste équilibre entre l’intérêt public consistant à combattre les abus et la nécessité d’éviter les restrictions disproportionnées des activités transfrontalières au sein de l’UE; et
de mieux coordonner l’application des mesures anti-abus en ce qui concerne les pays tiers, afin de protéger les assiettes fiscales des États membres.
Par la présente communication, la Commission souhaite susciter un débat plus général sur les réponses constructives et coordonnées qu’il convient d’apporter aux défis qui se posent aux États membres. De plus, et sans préjudice des orientations fixées à ce jour par la CJCE, il reste à examiner l’application pratique des principes appropriés au-delà des circonstances particulières dans lesquelles ils ont été formulés.
La Commission souhaite donc inviter les États membres et d’autres parties intéressées à collaborer avec elle pour favoriser une meilleure compréhension des implications qui en découlent pour les systèmes fiscaux des États membres.
Contexte
Il n’y a abus que lorsque l’objectif du droit fiscal n’est pas atteint en dépit du respect formel des conditions fixées par la législation et qu’il existe une intention d’obtenir un avantage aboutissant à créer artificiellement les conditions d’obtention de cet avantage.
L’évasion fiscale ou les abus doivent être distingués de la fraude fiscale qui implique un comportement infractionnel délibéré, généralement punissable par la loi (par exemple le dépôt intentionnel de fausses déclarations ou de faux documents).
La communication est présentée dans le cadre de l’initiative de coordination lancée par la Commission en décembre 2006 (IP/06/1827). Dans la communication de 2006, la Commission présentait plusieurs formules de coordination et de coopération entre États membres qui pourraient leur permettre d’atteindre leurs objectifs de politique fiscale et de protéger leurs assiettes fiscales tout en respectant leurs obligations au titre du traité CE et en garantissant l’élimination de la double imposition.
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[1] Affaires: C-294/97, C-324/00, C-196/04 et 524/04.