20 octobre 2021 Pierre Perrin-Monlouis
Pourquoi publier un encadrement des aides d’État en faveur de la protection de l’environnement ?
Les aides d’État doivent satisfaire à certains critères et être autorisées par la Commission européenne. La Commission publie des lignes directrices et des encadrements visant à aider les États membres en annonçant à l’avance les mesures qu’elle juge compatibles avec le marché commun, ce qui a pour effet d’accélérer la procédure d’autorisation.
La protection de l’environnement est un objectif majeur de l’Union européenne. Le niveau de protection de l’environnement n’est pas jugé suffisamment élevé et il apparaît nécessaire d’y remédier. Cela tient notamment au fait que les entreprises n’assument pas pleinement les coûts engendrés par la pollution pour la société. Pour corriger ce dysfonctionnement du marché et contribuer à une meilleure protection de l’environnement, les gouvernements peuvent, par la voie de la réglementation, faire en sorte que les entreprises paient pour les dommages qu’elles causent à l’environnement (au moyen, par exemple, de taxes ou de systèmes d’échange de droits d’émission) ou se conforment à certaines normes environnementales.
Dans certains cas également, les aides d’État peuvent trouver leur justification dans le fait qu’elles incitent les entreprises privées à investir davantage dans la protection de l’environnement ou libèrent certaines entreprises de charges financières relativement lourdes, afin de mettre en œuvre une politique globale de l’environnement plus stricte.
Dans le même temps, l’encadrement des aides d’État sert de garde-fou en empêchant l’octroi d’aides d’État mal ciblées ou excessives ayant non seulement pour effet de fausser la concurrence, mais faisant qui plus est échec au but même d’atteindre les objectifs dans le domaine de l’environnement.
Quel rapport y a-t-il entre l’encadrement des aides d’État en faveur de la protection de l’environnement et le train de mesures dans le domaine de l’énergie et du changement climatique ?
En mars 2007, le Conseil européen a arrêté un objectif de réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre et un objectif contraignant visant à faire passer la part des sources d’énergie renouvelables à 20 % de la consommation totale d’énergie de l’Union européenne d’ici 2020.
Dans le cadre du train de mesures adoptées dans le domaine de l’énergie et du changement climatique, la Commission présente des mesures ambitieuses concernant, notamment, les énergies renouvelables et l’échange de droits d’émission. Pour atteindre ces objectifs, le train de mesures introduit des mécanismes de marché destinés à garantir que les pollueurs paient pour les dommages qu’ils occasionnent et à soutenir des technologies plus respectueuses de l’environnement. Le nouvel encadrement communautaire en faveur de la protection de l’environnement constitue un volet important du train de mesures visant à donner aux États membres et aux industriels les incitations propres à les amener à renforcer leurs efforts en faveur de l’environnement.
En premier lieu, en préservant une réelle concurrence, l’encadrement soutient les instruments fondés sur la logique du marché introduits par le train de mesures. Sans réelle concurrence, les objectifs ne sauraient être atteints. Si les pollueurs ne sont pas assez mis financièrement à contribution et s’ils peuvent faire l’économie d’investissements parce qu’ils bénéficient d’aides d’État, cette situation va non seulement fausser la concurrence, mais aussi faire échec à la réalisation des objectifs ambitieux de l’Union dans le domaine de l’environnement.
En second lieu, l’encadrement prévoit une série de mesures qui complètent et soutiennent la réalisation d’une plus grande protection de l’environnement. Des situations peuvent exister dans lesquelles le principe du pollueur-payeur (PPP) ne peut être correctement mis en œuvre par les États membres. Les aides d’État peuvent alors offrir une alternative pour répondre à la déficience du marché associée à des externalités négatives en matière d’environnement. Les aides d’État peuvent permettre à des entreprises de modifier leur comportement et d’adopter des processus plus respectueux de l’environnement ou d’investir dans des technologies plus vertes. Elles peuvent aussi permettre aux États membres d’adopter des réglementations ou des normes plus strictes que les normes communautaires en réduisant les contraintes insoutenables pesant sur certaines entreprises. L’évolution vers la réalisation des objectifs environnementaux de la Communauté peut s’en trouver facilitée.
Si l’aide est bien ciblée, l’encadrement est très généreux. Ainsi, pour la production d’énergie renouvelable, les États membres ont la possibilité de prendre en charge la totalité des coûts supplémentaires supportés par les entreprises.
En quoi le nouvel encadrement diffère-t-il des encadrements précédents ?
Par rapport à l’encadrement de 2001, les principaux changements apportés par le nouvel encadrement sont les suivants:
L’encadrement comporte un certain nombre de nouvelles dispositions, par exemple en ce qui concerne les aides à l’adaptation anticipée aux normes, aux études environnementales, au chauffage urbain et à la gestion des déchets, ainsi que les aides relevant des régimes de permis négociables.
L’intensité de l’aide a été considérablement relevée. L’intensité en faveur des grandes entreprises est passée de 30-40 % à 50-60 %. Pour les petites entreprises, elle est passée de 50-60 % à 70-80 %. De surcroît, lorsqu’un investissement visant à dépasser les normes communautaires ou à améliorer le niveau de protection de l’environnement en l’absence de normes fait appel à l’éco-innovation, une prime supplémentaire de 10 % peut être octroyée. De plus, la possibilité d’octroyer des aides à hauteur de 100 % à la suite d’une procédure concurrentielle a été introduite. Contrairement à l’encadrement de 2001, il n’existe plus de prime pour l’aide aux régions assistées ni pour les installations d’énergie renouvelable répondant aux besoins d’une communauté tout entière.
En ce qui concerne les allègements fiscaux, l’encadrement conserve intacte la possibilité de dérogations à long terme aux taxes environnementales sans condition, dès lors qu’après allègement, les sociétés concernées paient au moins le minimum communautaire. Si les sociétés ne paient pas au moins le minimum communautaire, elles peuvent encore bénéficier de dérogations à long terme, sous réserve que l’État membre démontre que ces dérogations sont à la fois nécessaires et proportionnées. Les bénéficiaires d’allègements très importants, voire d’exonérations totales, sont parfois de gros pollueurs. La Commission considère que, dans certaines conditions, ces dérogations peuvent être justifiées, mais qu’il incombe aux États membres d’apporter la preuve de la nécessité d’y recourir.
L’encadrement se décompose en une évaluation type et une évaluation détaillée. Une méthode d’évaluation détaillée a été introduite pour les cas où les montants octroyés aux différentes entreprises sont élevés, afin de permettre un examen plus minutieux des cas individuels qui sont le plus susceptibles de fausser la concurrence et les échanges. Les régimes prévoyant des exonérations et des allègements fiscaux ne seront évalués qu’au niveau du régime lui-même, ce qui signifie que les entreprises ne seront pas soumises individuellement à une évaluation détaillée.
Il existe une forte corrélation entre le nouvel encadrement et la future exemption générale par catégorie que la Commission doit adopter avant les vacances d’été. Grâce à l’exemption par catégorie, les États membres ne seront plus tenus de notifier à la Commission certaines mesures d’aide, ce qui aura pour effet de réduire la charge administrative. Il est prévu qu’à l’avenir, certains types d’aide environnementale ne dépassant pas un certain montant n’aient pas à être notifiés à la Commission. Il est également prévu qu’en vertu de l’exemption par catégorie, une méthode simplifiée puisse être utilisée pour déterminer le montant de l’aide.
Pourquoi le montant de l’aide est-il basé sur les coûts d’investissement environnemental supplémentaires plutôt que sur le coût total des investissements ?
Le montant de l’aide est fondé sur les coûts d’investissement supplémentaires permettant d’atteindre le niveau voulu de protection de l’environnement par rapport, par exemple, à une installation conforme aux normes obligatoires ou à une méthode de production moins respectueuse de l’environnement en l’absence de normes. Si tel n’était pas le cas, tout investissement améliorant le niveau de protection de l’environnement pourrait bénéficier d’aides en faveur de l’environnement, même si l’investissement en question était moins onéreux que la solution retenue en faveur de l’environnement. Une aide serait, en outre, octroyée pour accroître les capacités ou la productivité. Seules les aides d’État ayant un effet supplémentaire sur l’environnement devraient être autorisées, la probabilité de ce qu’une aide soit nécessaire à l’augmentation du niveau de protection de l’environnement étant plus grande si l’aide en question est octroyée sur la base de l’approche des coûts supplémentaires.
Pourquoi l’intensité des aides à l’investissement n’est-elle pas de 100 % lorsque l’aide ne couvre que les coûts environnementaux supplémentaires ?
L’intensité de l’aide à l’investissement ne correspond généralement pas à 100 % des coûts d’investissement supplémentaires pour les raisons suivantes: d’abord, le calcul du coût supplémentaire est imprécis, les bénéfices d’exploitation n’étant pas, par exemple, pris en compte pendant toute la durée de vie de l’installation; ensuite, une image plus respectueuse de l’environnement peut avoir une valeur commerciale pour l’entreprise, voire être indispensable à la survie future de celle-ci. Ainsi, il ne sera pas nécessaire de couvrir tous les coûts environnementaux supplémentaires calculés pour susciter l’investissement.
Toutefois, si l’aide d’État est liée à une procédure d’appel d’offres, l’intensité de l’aide peut aller jusqu’à 100 %. De surcroît, pour la production d’énergie renouvelable et la cogénération, une aide au fonctionnement peut être octroyée en plus de l’aide à l’investissement, afin de couvrir la différence totale entre le coût de production de l’énergie et le prix du marché pour l’énergie concernée. L’aide peut même couvrir le retour sur capital qu’on est normalement en droit d’attendre. La totalité des coûts supplémentaires sont ainsi couverts.
Qu’est-ce que l’investissement de référence ?
L’investissement de référence est l’investissement qui aurait été réalisé sans l’aide d’État. Il s’agit d’un investissement techniquement comparable offrant un moindre degré de protection environnementale (correspondant à la norme communautaire obligatoire, si elle existe) et qui pourrait vraisemblablement être effectué sans l’aide en question. Pour l’énergie renouvelable, l’investissement de référence est souvent une centrale au gaz disposant d’une capacité de production identique, tandis que pour la cogénération, on se réfère souvent à une installation disposant d’une production distincte de la principale production de l’installation de cogénération. Toutefois, le choix de l’investissement de référence dépend du type de production et du marché, cet investissement de référence pouvant également varier dans le temps. Il n’est dès lors pas utile de préciser davantage l’investissement de référence dans l’encadrement.
L’aide peut être octroyée si une entreprise va au-delà d’une norme communautaire, mais qu’est-ce qu’une norme communautaire ?
La législation de l’Union européenne compte un certain nombre de normes fixant le niveau à atteindre en matière environnementale. L’obligation prévue par la directive 96/61/CE du Conseil du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution d’utiliser les meilleurs techniques disponibles qui sont exposées dans les informations correspondantes les plus récentes publiées par la Commission est également considérée comme étant une norme communautaire.
Seules les normes imposées directement à des entreprises individuelles par la législation communautaire sont considérées comme des normes. Les obligations imposées à des États membres ne sont pas considérées comme des normes dans le contexte du présent encadrement.
Quand une affaire donne-t-elle lieu à une évaluation détaillée ?
Les aides d’un montant élevé risquent davantage de fausser la concurrence et les échanges et feront donc l’objet d’une évaluation détaillée. Ainsi, les montants élevés d’aide à des bénéficiaires doivent être individuellement notifiés à la Commission, même s’ils sont octroyés en vertu d’un régime déjà approuvé par la Commission. En ce qui concerne l’aide au fonctionnement en faveur de la production d’énergie, des seuils de capacité servent à déterminer les montants d’aide élevés. Les aides octroyées qui suivent doivent être notifiées individuellement à la Commission:
aide à l’investissement: lorsque le montant de l’aide dépasse 7,5 millions d’euros par entreprise;
aide au fonctionnement en faveur des économies d’énergie: lorsque le montant de l’aide dépasse 5 millions d’euros par entreprise sur cinq ans;
aide au fonctionnement en faveur de la production d’électricité renouvelable et/ou de la production combinée de chaleur renouvelable: l’aide est octroyée à des installations d’électricité renouvelable sur des sites ayant une capacité de production d’électricité renouvelable supérieure à 125 MW;
aide au fonctionnement en faveur de la production de biocarburants: l’aide est octroyée à une installation de production de biocarburants sur un site ayant une production supérieure à 150 000 t/an;
aide au fonctionnement en faveur de la cogénération: l’aide est octroyée à une installation de cogénération dont la capacité de production d’électricité issue de la cogénération excède 200 MW. Les aides en faveur de la production de chaleur issue de la cogénération seront appréciées dans le contexte de la notification fondée sur la capacité de production d’électricité.
L’évaluation détaillée ne signifie bien sûr pas que l’aide d’État envisagée sera interdite. Elle signifie uniquement que la Commission vérifiera attentivement si l’aide est nécessaire et peut réellement contribuer à la protection de l’environnement sans créer de distorsions de concurrence indues.
Comment mon entreprise peut-elle obtenir une aide en faveur de l’environnement ?
L’encadrement fixe des règles sur les conditions que les États membres doivent respecter lors de l’octroi d’une aide d’État. Ainsi, si une entreprise désire améliorer son niveau de protection de l’environnement et a besoin d’aide pour ce faire, elle doit contacter l’autorité de son propre État membre compétente pour l’octroi de l’aide en faveur de l’environnement .
Le texte intégral de l’encadrement est disponible à l’adresse suivante:
http://ec.europa.eu/comm/competition/state_aid/reform/reform.cfm