Les propositions de la CSMF au nouveau gouvernement

20 octobre 2021 Pierre Perrin-Monlouis

Les propositions de la CSMF au nouveau gouvernement pour relancer le dossier de la médecine libérale et apporter les solutions d’urgence attendues par la profession.

Le monde de la santé vient de vivre trois années particulièrement noires en raison de la conduite d’une politique de santé aussi autoritaire qu’inefficace par le précédent gouvernement. Résultat : la médecine libérale, qui attendait la poursuite de la dynamique positive initiée par la convention de 2005, a été sinistrée.

Tout d’abord, la paralysie conventionnelle et la valse des engagements bafoués (C à 23€, C2 à 46€, permanence des soins etc.) ensuite les effets dévastateurs des lois de financement de la sécurité sociale successives conjugués à la loi Bachelot, ont consacré la mise en pièces du système conventionnel et le recul de la médecine de proximité. À cela s’ajoutent les différentes commissions Théodule, véritables alibis destinés à repousser toujours à plus tard la réponse aux difficultés de plus en plus graves de la médecine libérale, un rapport chassant l’autre. C’est, enfin, la volonté manifeste de contourner les syndicats par tous les moyens possibles, y compris en agissant pour aggraver et multiplier les divisions au sein de la profession.

Dans un tel contexte, les médecins libéraux ont exprimé leur colère et manifesté massivement leur opposition à cette politique délétère à l’occasion des élections professionnelles en votant à 60 % pour la CSMF et son allié le SML, qui ont su incarner un message de résistance et d’opposition.

Cette situation particulièrement tendue appelle aujourd’hui un changement de cap urgent et radical. Le remaniement ministériel qui vient de se produire ouvre la porte au retour du dialogue avec la nouvelle équipe, mais celle-ci devra passer rapidement aux actes de façon très concrète.

PLFSS 2011 : la déception

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011 offrait au gouvernement l’occasion d’adresser un premier signe en direction des médecins libéraux. La CSMF avait d’ailleurs formulé un ensemble de 12 propositions à mettre en œuvre sans tarder dans ce projet de loi de finances de la sécurité sociale. Mais, hélas, la plupart de ces propositions, qui pourtant n’auraient pour l’essentiel appelé aucune dépense supplémentaire mais permettaient de donner plus de souplesse à l’exercice libéral, sont restées lettres mortes. Seules quatre d’entre elles ont été retenues par les parlementaires :

L’introduction d’une possibilité de rémunération à la performance dans la convention médicale ;
L’individualisation des dépenses prescrites par l’hôpital et qui pèse sur les soins de ville dans les sous objectifs de l’ONDAM ;
La fongibilité des parts régionales du fonds de modernisation hospitalière et du FIQCS ;
L’harmonisation des procédures contentieuses avec l’avis conforme du directeur de l’UNCAM pour les sanctions.
Les mesures suivantes, pourtant indispensables, ont été écartées :

Adopter un ONDAM de ville supérieur à l’ONDAM hospitalier.
Supprimer les stabilisateurs économiques qui sont un obstacle à la vie conventionnelle.
Supprimer définitivement l’obligation de signalement d’absence ou de congé.
Supprimer définitivement le caractère obligatoire du contrat solidarité santé.
Rétablir les contrats de bonnes pratiques.
Supprimer le délit statistique.
Créer un comité de pilotage permanent et quadripartite sur les 3 régimes de retraite.
Réformer la Responsabilité Civile et Professionnelle pour la rendre supportable aux praticiens les plus exposés.
Bien sûr, il s’agit d’un premier pas, surtout comparé au PLFSS précédent, mais il était facile de mieux faire. Si la CSMF reconnaît ces avancées, elle reste déçue par cette occasion manquée d’aller plus loin et de permettre la relance du dossier de la médecine libérale.

Débogage de la loi Bachelot : le projet de loi Fourcade doit être complété

La CSMF, qui doit rencontrer ce mardi, le nouveau ministre du travail, de l’emploi et de la santé, lui rappellera son exigence de remise à plat de la loi Bachelot afin de supprimer définitivement les mesures vexatoires et inutilement coercitives.

Le projet de loi déposé dans ce sens par le sénateur J. Pierre Fourcade doit être complété, puisqu’il ne concerne que deux aspects : la suppression de l’obligation faite aux médecins de déclarer leurs absences et la révision du contrat de solidarité santé pour lequel il est proposé de supprimer la sanction qu’il comportait et de le rendre conforme à un contrat type élaboré par les parties conventionnelles. Pour essentielles que soient ces deux mesures, elles ne suffisent pas et la CSMF souhaite aller plus loin.

La CSMF propose d’élargir le périmètre de ce texte afin de permettre:

la suppression de la taxation des feuilles de soins,
la suppression du délit statistique,
le rétablissement du volontariat dans la permanence des soins,
la non-opposabilité du SROS ambulatoire, afin d’inscrire dans la loi sa vocation indicative et ainsi de préserver la liberté d’installation,
la suppression du salariat dans les cliniques pour garantir le libre choix au patient et maintenir l’exercice libéral de la médecine,
la suppression de la possibilité de sanction par les directeurs des Caisses dans les refus de soins qui relèvent de la juridiction ordinale,
la suppression des CAPI régionaux qui affaiblissent la convention nationale,
la mise en place d’une solution efficace et pérenne en matière de RCP pour assurer la survie des spécialités à risque.
Mais ce n’est pas tout car le développement professionnel continu (DPC), tel qu’il a été conçu est inacceptable en l’état par les médecins libéraux. C’est pourquoi la CSMF a demandé la suspension de la parution des décrets et autres textes d’application du DPC afin de favoriser une discussion réelle et, cette fois-ci plus constructive, permettant de replacer naturellement les professionnels au cœur du dispositif.

Les pistes pour construire une nouvelle convention innovante

La CSMF se veut également force de proposition à travers les axes contenus dans son projet confédéral, mais également les 100 propositions concrètes qu’elle vient d’élaborer avec son partenaire, le SML, pour l’avenir libéral de la médecine. Il s’agit de propositions pragmatiques, innovantes et surtout immédiatement applicables afin d’améliorer sensiblement les conditions de l’exercice et donc de la qualité des soins. Ces propositions sont réalistes et compatibles avec la situation budgétaire de l’assurance-maladie. Elles doivent alimenter le débat et servir de base à l’élaboration d’une future convention médicale innovante et de progrès.

La CSMF rappellera au ministre de la santé son exigence de voir solder aux plus vite les engagements de la précédente convention avant d’aborder la négociation de la future convention. Pour la CSMF, il est indispensable que les accords signés soient appliqués afin de permettre de construire à partir des acquis de la précédente convention et non de recycler à l’infini les engagements non tenus.

En particulier la CSMF appelle le ministre de la santé à concrétiser le C à 23 € signé en 2007 et l’élargissement du C2 consultant bloqué en toute illégalité depuis 3 ans. La consultation du généraliste doit être portée à 23 € et le C2 consultant à 46 € sans plus attendre. La rémunération de la permanence des soins pour tous les médecins y compris pour les spécialistes en établissements doit s’appliquer. L’assouplissement du C2 doit être publié de toute urgence au Journal Officiel.

Cette future convention, la CSMF la souhaite efficace et sincère afin que tous les accords signés dans le futur soient bel et bien appliqués et que la situation de gel arbitraire des honoraires que nous venons de vivre ne puisse pas se reproduire. C’est indispensable pour restaurer la crédibilité conventionnelle et redonner confiance aux médecins libéraux dans le pacte conventionnel.

Les priorités arrêtées par les instances confédérales de la CSMF pour cette future convention sont les suivantes :

La revalorisation des spécialités cliniques dans le cadre de la mise en œuvre d’une réforme des consultations (CCAM clinique) qui permettra une nouvelle rémunération commune à tous les médecins des consultations en fonction de la charge de travail qu’elles représentent
L’introduction, en complément du paiement à l’acte, d’une rémunération diversifiée, notamment au moyen de forfaits “tâches administratives” pour permettre au médecin de retrouver du temps médical en déléguant s’il le souhaite, ces tâches administratives à du personnel qualifié, mais également des forfaits pour la prévention, il s’agit également de prévoir la rémunération des fonctions transversales en établissement.
La mise en œuvre d’un système de paiement à la performance, toujours en complément du paiement à l’acte.
La concrétisation de la troisième tranche de la CCAM technique.
La prise en compte du coût de la pratique dans la CCAM technique et la revalorisation annuelle du point de travail.
La mise en œuvre du secteur optionnel.
Le maintien de l’avantage retraite (ASV), pris en charge aux 2/3 par les caisses, en contrepartie des honoraires opposables que les médecins appliquent.
Le rétablissement de contrats de bonne pratique supprimés par la loi Bachelot et qui permettent d’honorer la permanence des soins des spécialistes en établissements, les médecins en zone de montagne, en stations de sports d’hiver, en zone franche urbaine, en zones rurales sensibles et les médecins thermalistes.
La mise en place de financements pérennes pour inciter aux regroupements professionnels
La mise en œuvre d’un politique volontaire de mesures incitatives d’envergure pour encourager le maintien et l’installation dans les zones sous denses
La simplification administrative, notamment par la dématérialisation des échanges avec les caisses et la mise en place d’un Volet Médical de Synthèse accessible à tous les médecins pour améliorer la prise en charge de leurs patients.
Au total, la CSMF a expliqué au ministre de la santé quelle est l’urgence à rouvrir efficacement le dossier de la médecine libérale et à proposer des mesures concrètes immédiatement visibles et efficaces pour l’ensemble de la profession médicale.

Cette convention doit être l’occasion de redonner une impulsion à la modernisation de la médecine libérale.

Rétablir la confiance par un dialogue permanent sur les dossiers en cours

Au total, la CSMF demande des actes concrets et le rétablissement d’un dialogue constructif. La relance du dossier de la médecine libérale doit être la priorité du gouvernement pour les prochains mois. Cette relance passe aussi par une réhabilitation du respect des médecins libéraux et non par leur marginalisation.

Un dialogue fort, attentif et constructif avec les syndicats médicaux représentatifs, et eux seuls, est indispensable. C’est dans cet esprit que la CSMF demande au ministre de la santé d’intervenir dans deux dossiers sur lesquels les syndicats médicaux ont été mis devant le fait accompli et qui posent problème.

Tout d’abord, la CSMF a dénoncé le projet de décret destiné à modifier la composition de la Conférence Nationale de Santé (CNS). Les libéraux de santé se retrouveraient, une fois de plus, marginalisés en ne disposant plus que de 5 sièges au lieu de 13, dont au moins un représentant des médecins généralistes et un représentant des infirmiers. Un tel scénario, qui passe par perte et profit la diversité des professions et la médecine spécialisée est totalement inacceptable ! Aussi la CSMF demande au ministre de la santé de revoir ce projet afin d’introduite une juste représentation des médecins libéraux, faute de quoi, la CSMF boycottera la CNS.

Ensuite, la CSMF s’élève contre le vote par les députés à l’occasion du Projet de loi de Finances d’une mesure destinée à aggraver la taxation des médecins libéraux dans le cadre de la nouvelle CET (contribution économique territoriale) qui remplace désormais la taxe professionnelle. Une telle disposition est une provocation dans un contexte de gel des honoraires médicaux et est incohérente avec la décision du gouvernement, il y a quelques mois, d’élargir le bénéfice de la réforme de la taxe professionnelle aux professionnels libéraux, ce qui s’est traduit par un allègement significatif de la fiscalité locale.

Ces deux dossiers sont l’exemple des pratiques délétères que la CSMF souhaiterait voir abandonner par le gouvernement au profit d’une indispensable concertation.

Au total, la CSMF appelle un changement de cap profond. La CSMF souhaite une traduction concrète de ce changement de cap dans les actes. Il est urgent de retrouver les vertus des relations partenariales pour apporter les réponses urgentes attendues par la profession et engager la modernisation indispensable de la médecine de ville. Pour cela des propositions innovantes et audacieuses ont été formulées. Le gouvernement ne doit pas rater l’occasion de relancer le dossier de la médecine libérale. Après, il sera trop tard…

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Trader & Analyste Financier
Fondateur de Rente et Patrimoine et à la tête du service Bourse Trading, il vous fait profiter de son expérience en trading grâce à ses analyses financières et décrypte pour vous les actualités des marchés. Son approche globale des marchés combine à la fois l'analyse technique et fondamentale.