21 octobre 2021 Pierre Perrin-Monlouis
Les analyses financières sont un vecteur important d’évolutions des cours de bourse, mais pas seulement. Une seule analyse négative d’une société d’investissement ayant “pignon sur rue” et un titre peut perdre plusieurs dizaines de pourcents en quelques minutes. Cette influence oblige les analystes financiers a beaucoup de précaution dans leurs analyses tant en cas de notes négatives qu’en cas d’analyses positives. Mais ils n’en restent pas moins indépendants dans leurs analyses. Un analyste financier qui modérerait son analyse pour éviter de voir un titre trop décroché, s’exposerait à la colère des investisseurs qui lui auront fait confiance et ils se détacheront de ses analyses.
Mais découvrons à présent ce que recouvre le terme d’analyse financière, sa façon d’être rédigée et aussi les errements possibles.
Définition
Une analyse financière est une étude détaillée sur une société ou un secteur, destinée à évaluer les performances actuelles et à venir dudit secteur ou de ladite société. Ces analyses financières sont extrêmement importantes lors des sélections de valeurs, de secteurs, de zones géographiques ou même de types de titres (actions, obligations, etc.). Beaucoup de sociétés d’investissements et de particuliers basent leurs choix sur ses analyses, en en dégageant un consensus. Le consensus est l’étude de différentes analyses financières pour en déduire une recommandation globale sur un titre ou un secteur. Sur 10 analyses, si 9 prônent d’acheter, le consensus est donc acheteur.
Les analyses financières sont rédigées par des analystes financiers. Ce dernier base son analyse sur les chiffres collectés soit auprès de l’information publique, soit auprès d’une information plus détaillée directement au sein de la société. Les analystes financiers sont ainsi fréquemment conviés aux réunions, ou même aux visites d’entreprises. Plus une entreprise communiquera, plus juste sera sa valorisation. Toutefois, une analyse financière ne saurait se baser sur une information privilégiée (non publique). Autrement dit, un analyste financier n’a pas le droit de diffuser une information d’initiés sans quoi il commettrait un délit d’initié.
On a souvent reproché aux analystes financiers de se borner à suivre le marché. Telle société est appréciée par le marché alors l’analyste, malgré ses doutes, n’émettra pas de note négative sur cette société. Il était en effet très rare de trouver de mauvaises recommandations sur les valeurs Internet à leur grande époque 1999-2000. La plupart des analystes financiers conseillait à l’achat ces entreprises sans s’étonner de taux de croissance totalement irréalisables. Plusieurs analystes n’ont ainsi conseillé la vente d’Alcatel qu’une fois la chute de 37% opérée. Ceci s’explique aussi en partie par le fait que les investisseurs et les analystes travaillent sur les mêmes données fondamentales. L’analyste peut être plus rigoureux pour les analyser, mais les données restent identiques.
Les analyses financières peuvent être très nombreuses pour un titre sur une journée, ou au contraire quasi inexistantes sur plusieurs semaines. A cela deux raisons liées principalement à l’émetteur de l’analyse :
– si l’émetteur a un contrat de liquidité avec l’entreprise analysée. Plus il y aura d’analyses, plus le titre sera liquide car il existera beaucoup d’informations sur la société. La liquidité n’implique en rien la hausse du cours mais facilite la revente ou l’achat de titres, et influe sur la valorisation du titre. Les plus grosses entreprises signent de tels contrats pour maintenant un flux d’informations réguliers sur l’année;
– si l’émetteur n’a pas de contrat de liquidité avec l’entreprise analysée. Il se doit d’informer ses clients de l’évolution stratégique ou économique de telle ou telle société afin de les aider dans leurs choix d’investissements. Il n’est engagé sur aucun nombre minimum d’analyses mais propose des opportunités d’investissements à ses clients.
Mais le flux d’analyses sur un titre dépendra principalement de la taille de la société. Une entreprise valorisée à plusieurs milliards d’euros, composant l’indice CAC 40, aura un suivi quotidien de plusieurs analystes à travers le monde. Au contraire, une petite PME française nouvellement introduite n’aura qu’une visibilité très réduite auprès de quelques analystes.
Il existe d’autres cas que nous traiterons dans les dérives de l’analyse financière, ci-dessous.
Comment rédiger une analyse financière
L’analyse financière (ou étude boursière) suit une certaine ligne directrice. Les analystes pouvant passer allègrement d’une société d’investissements à une autre, ils n’en changent pas radicalement leur façon de penser, et leur façon de travailler.
L’un des aspects essentiels de l’analyse financière est sans nul doute la recommandation. L’analyste regroupe, étudie, décortique pour aboutir à la recommandation, la conclusion de son analyse. Bien souvent les investisseurs lisent la recommandation et ensuite poursuivent ou non leur lecture vers l’analyse complète.
la recommandation boursière
Goldman Sachs passe de Acheter à Conserver sur Alcatel; S&P passe de sous-performance à superformance notable; etc… chaque société d’analyse financière, indépendante ou non, a son propre vocabulaire de notation. Dans la plupart des cas, les recommandations se classent en 5 groupes distincts :
– Achat ++ Acheter / acheter fort / superformance notable
– Achat + Renforcer / accumuler / acheter à long terme / superformance / surpondérer
– Neutre Conserver / performance en ligne
– Vendre – Réduire / sous-performance / sous-pondérer
– Vendre + Vendre / sous-performance notable / vendre fort
Ces termes peuvent être complexes pour certains à comprendre. Ainsi le terme surpondérer est à mettre en parallèle avec la pondération d’un portefeuille boursier. On parle de surpondérer quand on suppose qu’un titre aura une performance supérieure aux autres valeurs du marché. Il est donc utile de donner davantage de poids à cette valeur dans votre portefeuille (et inversement pour sous-pondérer).
l’analyse
La recommandation n’est pas le Saint Graal. Il s’agit juste d’une appréciation se voulant être un résumé plus ou moins clair de l’analyse elle même. Mais l’analyse peut porter sur plusieurs dizaines de pages, notamment lors d’introductions en bourse. La réaction immédiate des marchés est donc de suivre la recommandation (la notation). Par la suite, les acteurs du marché étudieront plus attentivement l’analyse qui peut contrebalancer en partie la recommandation. Ainsi un analyste aura des difficultés à passer directement d’un “Acheter Fort” à un “Vendre fort”. Sa crédibilité risque d’être atteinte s’il change rapidement son opinion. Toutefois, lors de la forte chute d’Alcatel (chute record pour une valeur du CAC 40 sur une journée), des analystes n’ont pas hésité à passer à “Vendre” un titre qui quelques jours plus tôt était recommandé à l’achat. Les données fondamentales du titre avaient évoluées. L’analyse aussi.
L’analyse est un rapport, plus ou moins complet, mais toujours rigoureux. Il comprend le plus souvent :
– l’analyse elle-même;
– la conclusion qui reprend les grandes lignes de l’étude;
– le résumé financier, souvent utilisé comme préambule à l’analyse. On y retrace les chiffres clés de l’entreprise;
– l’analyse des fondamentaux purs : bilan, compte de résultats…;
– l’étude de tous les éléments pouvant aider à la bonne compréhension du métier de l’entreprise : concurrents, produits, stratégie…
Les analystes financiers travaillant sur les mêmes informations, il n’est pas rare de voir des analyses très similaires qui paraissent à quelques jours d’intervalle mais provenant de deux cabinets différents.
Analyse financière influencée ?
Les analyses financières et leurs rédacteurs, les analystes financiers, ont été pointés du doigt après plusieurs scandales (la crise des valeurs Internet, l’effondrement du titre Enron…). Le métier d’analystes financiers a clairement démontré ses limites, à savoir l’origine des informations. Emanantes des sociétés, elles ne sont pas exemptes d’erreurs manifestes ou de tromperies. Mais ces informations trompeuses ou ces prévisions fantaisistes, ne doivent pas masquer d’autres facteurs qui tendent à décrédibiliser certaines analyses financières.
Retrouvez ci-dessous quelques uns des biais fréquents de l’analyse financière :
l’émetteur détient-il des titres en portefeuille ?Il n’est pas rare que l’émetteur d’une analyse financière détienne en son compte propre ou à travers ses clients d’importants volumes d’actions de la société étudiée. Imaginons une banque qui détient pour diverses raisons (introduction ratée par exemple) de forts volumes d’actions peu liquides. La banque ne sera t-elle pas tentée d’émettre fréquemment des analyses mettant en avant les points positifs de l’entreprise en en occultant ses points faibles ? En théorie non car l’analyste financier reste indépendant dans sa vision d’une entreprise. Dans la pratique, plusieurs cas ont déjà été observés.
Dans tous les cas, l’origine de l’émetteur est à étudier avant de prendre une analyse “au pied de la lettre“. Le conseilleur ne sera jamais le payeur.
l’émetteur souhaite t-il obtenir un contrat avec l’entreprise étudiée ?
Lors d’opérations financières (introduction, OPA, rachat, …), les entreprises concernées doivent engager des banques d’affaires dans le but de réaliser ces dites opérations. Et ces opérations peuvent concerner des dizaines de millions d’euros en frais de conseils.
Il va de soi qu’une banque qui souhaiterait obtenir un tel contrat auprès d’une entreprise ne va pas critiquer ouvertement la société. Toutefois, il est très difficile de savoir si une banque souhaite obtenir un tel contrat. Au contraire, une un analyste pourrait aussi avoir tout intérêt à décrédibiliser une introduction si celle-ci venait en concurrence avec l’une de celles que sa société prépare.
l’émetteur est-il directement lié à la société ?
Certaines sociétés disposent de leur propre cabinet d’analyses. C’est notamment le cas des grandes banques. Une grande banque peut très bien émettre ses propres analyses concernant ses comptes ou sa stratégie. Une société industrielle peut également commander auprès de cabinets indépendants une analyse sur elle-même.
Ce genre d’analyses est à étudier très précisément. Certes, l’analyste financier a bénéficié d’informations plus pointues que l’analyste financier classique mais il est rare que ce genre d’analyses conclut à une recommandation fortement négative.
l’analyse financière reste une opinion personnelle
Un analyste financier est avant tout un homme avec son vécu, son expérience personnelle et ses diplômes. Certains analystes financiers ont ainsi développé au fil des années un véritable sens de l’analyse, qu’un analyste junior n’a pas. Connaître la personnalité et la carrière de l’analyste peut être des plus intéressants. Certains analystes sont ainsi réputés mondialement pour la qualité de leurs analyses et leur adéquation/anticipation avec leur marché. Des analystes ont même atteint le stade de gourou, ou la moindre de leurs paroles peut avoir un impact direct sur un secteur.
L’analyse financière n’est donc ni un exercice facile pour celui qui la rédige ni pour celui qui la lit, et nous ne prenons pas trop de précaution en vous invitant à comparer les différentes analyses d’une même valeur. Même en tant que simple particulier, vous pouvez aussi rédiger vos analyses et établir vos conclusions. A l’issue de votre analyse, comparez la à celles des professionnels.