Pierre Perrin-Monlouis Dernière mise à jour: 21 octobre 2021
Encore inconnue au début du siècle dernier, la finance islamique voit aujourd’hui son aura s’accroître au fil des années. Elle se base sur un constat simple : la religion musulmane réglemente et interdit certaines pratiques, il est donc logique que la finance à destination des musulmans pratiquants s’adapte à ces règles. Les bases de la finance islamiques sont récentes. Elles sont liées aux travaux de Sayyid Abul Ala Maududi, théologien pakistanais, décédé en 1979. Tout naturellement ce dernier s’appuie sur le Coran -livre saint des musulmans- et les hadiths.
L’essentiel de la finance islamique s’appuie sur le verset 275 de la 2ème Sourate du Coran : “Dieu a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt.” Autrement dit, le simple fait d’emprunter de l’argent ou d’épargner de l’argent ne peut se faire que sans aucun intérêt ou ribâ. Il est donc formellement interdit à un musulman d’ouvrir un livret A ou tout simplement de faire un crédit pour sa maison dans une banque classique. Cette dernière calculera en effet un intérêt sur le montant de l’argent prêté. A l’origine, ce texte se limitait à l’or, l’argent, le blé, le froment, les dattes et le sel, mais a tout logiquement été étendu à l’ensemble des produits.
Trois points précis sont spécifiquement interdits par l’Islam. Le ribâ ou l’intérêt; le gharar ou la spéculation et le massir ou le hasard. Un musulman ne peut pratiquer la moindre opération liée à ces interdits. S’il est investisseur, son argent ne devra servir qu’à financer un projet concret : développer une entreprise par exemple. Point question donc de spéculer sur le forex. La Finance islamique a été mise en pratique réellement au début des années 60 avec la création de la première banque islamique. La hausse des prix du pétrole et les crises financières ont contribué au développement de la finance islamique. Elle représente aujourd’hui dans les 700 milliards de dollars, et ces banques sont représentées en Arabie Saoudite, Algérie, Koweït, Dubaï, Emirats Arabes Unis, Pakistan mais aussi au Royaume Uni. Le système fiscal de la France entraîne quant à lui quelques complications pour les banques islamiques (droit de mutation, TVA).
Afin de permettre aux musulmans d’investir mais aussi d’emprunter, plusieurs méthodes ont été développées afin de ne pas être en contradiction avec les hadiths. Quatre techniques sont principalement utilisées :
Moudaraba : cette technique n’est pas sans rappeler la société en commandite. Un ou plusieurs apporteurs de fonds et un gestionnaire n’apportant pas de capital. Ils se répartissent le bénéfice de l’activité, mais le gestionnaire ne prend pas en charge les éventuelles pertes;
Moucharaka : chacun apporte du capital et les bénéfices sont répartis tout autant que les pertes;
Mourabaha : afin d’éviter l’intérêt d’emprunt, un acheteur acquiert une machine qu’il revend avec un bénéfice sur la vente;
Ijara : équivalent du crédit bail ou de la location avec option d’achat. La banque acquiert le bien pour le compte d’un individu, en conserve la propriété mais lui en cède l’usufruit moyennant un loyer. A la fin de l’opération, le titre de propriété peut être transféré pour une somme modeste.
Outre les opérations interdites, la finance islamique interdit également plusieurs secteurs économiques. Ainsi un musulman ne pourra investir, la plupart du temps, dans les domaines liés à l’alcool, à l’élevage porcin et à toute alimentation non licite, à la banque et à l’assurance non islamiques, à l’armement, aux jeux de hasard, au tabac, mais aussi à l’industrie cinématographique, pornographique et de divertissement dans son ensemble si elle ne promeut pas les bonnes moeurs. Certes le musulman pourra se reposer sur les comités de sélections et d’éthique de la banque qu’il choisit pour le conseiller mais il devra aussi vérifier, lui même, la destination de ses investissements.
Les crises financières n’ont fait qu’accentuer la recherche d’une finance plus responsable et la finance islamique peut être de celles là. De plus, l’ouverture de banques islamiques dans des pays non musulmans va tout naturellement entraîner l’augmentation des avoirs de ces banques. Les fonds chrétiens ne sont aussi pas en reste dans ce retour à certaines valeurs morales.