Pierre Perrin-Monlouis Dernière mise à jour: 21 octobre 2021
Se chauffer, cuire ses aliments, s’éclairer, sont autant de besoins devenus fondamentaux au fil des siècles. Quelle société moderne pourrait aujourd’hui se passer de ces énergies ? Même si le pétrole et le charbon restent les énergies les plus utilisées à travers le monde, même si la France continue à investir fortement dans le nucléaire, le gaz naturel s’affiche comme la troisième source d’énergie dans le monde, en développement constant.
Le gaz naturel est un combustible fossile. Certes, dans des cas très particuliers comme les tourbières, il ne faut que quelques décennies pour produire le méthane qui le constitue (le méthane CH4 représente 95% du gaz naturel, le solde se partageant entre l’éthane d’azote -4%- et le dioxyde de carbone et le propane), mais la très grande majorité du gaz naturel extrait provient d’une transformation de plusieurs millions d’années. Ainsi, au même titre que le pétrole ou que le charbon, le gaz naturel a vocation à disparaître. Mais alors que les réserves prouvées de pétrole ou de charbon tendent à fléchir -il est rare aujourd’hui de trouver de nouveaux très gros champs pétrolifères-, les réserves estimées de gaz naturel ne cessent de progresser. Ceci s’explique à la fois par l’histoire même de l’utilisation du gaz naturel, mais aussi par le développement de nouvelles techniques.
Le gaz naturel n’est pas une énergie récente. Dès le IVème siècle avant J.-C., la Chine l’utilisait tout à la fois comme combustible et comme source d’éclairage. Toutefois, il n’a pas connu le même attrait que son grand frère le pétrole. Le gaz est plus complexe à transporter, et donc coûteux, mais aussi plus risqué. Ce risque s’est ainsi traduit notamment par l’ajout d’un gaz odorant après la catastrophe de 1937, au Texas, où 295 personnes ont péri à cause du gaz naturel et de son caractère inodore. Pour son transport, autant il est facile d’augmenter la taille des super tankers pour convoyer le pétrole d’un continent à l’autre -des canaux traversant les continents ont même été créés pour cela-, autant il était difficile d’acheminer le gaz d’un pays à l’autre. Ainsi, en lieu et place de développement de gazoducs, durant des décennies, les champs pétroliers où l’on trouve aussi d’importantes réserves de gaz naturel associé laissaient tourner à plein les torchères. Plutôt que de vendre son gaz, les compagnies préféraient, et préfèrent encore pour certaines, le brûler directement à la sortie du puits pour se concentrer sur le pétrole. La France ne s’est ainsi véritablement tournée vers le gaz qu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, en fondant la société Gaz de France, en 1946. D’abord concentrée sur le gaz de houille, la société s’est ouverte au gaz naturel avec la découverte du gisement de Lacq dans le Sud Ouest de la France, dans les années 50. La France pouvait ainsi produire son propre gaz à une époque où les besoins énergétiques étaient élevés.
Le gaz naturel peut s’exploiter sous de multiples formes désormais, et c’est en partie ce qui explique l’évolution des réserves mondiales à la hausse. Historiquement, le gaz naturel pouvait se trouver dans les champs pétroliers, dans des champs gaziers facilement exploitables ou encore de façon biogénique, via la décomposition de matières organiques (tourbe). Il s’agit là de gaz dit conventionnel. Mais les progrès technologiques aidant, les industriels ont découvert la forte présence de mélange d’hydrocarbures dans des couches anciennes de schiste. Avec la mise en place de l’hydrofracturation, il est désormais possible d’extraire ces réserves de gaz. Toutefois, les risques écologiques liées à une telle technique sont nombreux, et plusieurs pays refusent à l’utiliser, préférant laisser le gaz là où il est. Ce gaz de schiste dénote d’autant plus dans le paysage traditionnel du gaz naturel que ce dernier reste moins polluant dans son utilisation que le pétrole ou le charbon. Le gaz de schiste est un gaz dit non conventionnel.
L’arrivée sur les marchés financiers du gaz de schiste a profondément modifié les rapports de force entre les pays. La Russie reste certes l’un des tous premiers producteurs de gaz naturel dans le monde, mais l’exploitation massive du gaz de schiste aux Etats-Unis a vu le géant américain s’arroger une place de choix sur ce marché. Autrefois très dépendants du gaz importé, les Etats-Unis commencent à l’exporter, au grand dam des autres pays producteurs qui voient le cours chuter. Les économistes estiment toutefois que l’économie américaine est dopée par cet apport d’une énergie peu coûteuse. La Russie, le Moyen Orient et le Qatar détiennent toutefois la majorité des réserves de gaz naturel prouvées. Les réserves européennes s’épuisent rapidement, et les différentes lois bloquant la recherche autour du gaz de schiste n’infléchiront pas ce mouvement. L’Europe va ainsi devenir de plus en plus dépendante du gaz de Russie. Elle consomme aujourd’hui près d’un cinquième du gaz produit, et les Etats-Unis et la Russie représentent 38% de la production mondiale.
La crise en Ukraine, les tensions existantes entre la Russie et l’Europe sont autant de facteurs qui laissent à penser que le gaz naturel restera une matière première très stratégique dans les années à venir. Gazprom, principal producteur de gaz en Russie, reste ainsi un interlocuteur privilégié dans les relations entre les Etats européens, et la Russie. Outre ce poids géostratégique de la Russie sur le gaz, le marché européen du gaz est très différent des marchés nord américain ou même britannique. Ainsi, alors que les européens signent davantage des contrats de gré à gré de très long terme pour la fourniture de gaz, les prix du gaz évoluent de façon quotidienne sur le marché spot. Ainsi, les prix du gaz peuvent se retrouver décolérer avec les cours du pétrole. Les deux principales places de ces marchés spot sont New York et Londres. A n’en point douter, dans plusieurs années ou décennies, le marché du gaz naturel sera un marché en constant changement, avec des prix évoluant à la hausse ou à la baisse et déconnectés des prix du pétrole. Les européens bénéficiant alors des productions en gaz de schiste qui pèseront lourdement à la baisse sur le marché.
Les cours du gaz naturel aux Etats-Unis et à Londres sont directement impactés par leur environnement. Ainsi, une consommation plus forte entraînera les prix vers le haut. Au contraire, une production élevée se traduira par une tension à la baisse sur les prix. La saisonnalité joue aussi un grand rôle, de part son influence sur la consommation. Le gaz naturel étant très utilisé dans le domaine du chauffage résidentiel et peu dans les climatisations, un hiver rigoureux créera une hausse logique des prix. Mais le gaz naturel reste avant tout une énergie. Utilisé dans le secteur résidentiel à hauteur de 40%, il est aussi très présent dans l’industrie -40% de sa consommation- et pour produire de l’énergie -presque 10%-. De fait, l’activité économique mondiale joue directement sur la consommation de gaz naturel à l’échelle planétaire. Des industries comme celles du papier, de la chimie ou encore de la métallurgie sont très consommatrices de gaz. Contrairement au nucléaire, où il est difficile d’adapter la production à la consommation, il est facile de réduire l’extraction de gaz naturel du sous-sol et ainsi de s’adapter à la demande globale. Une économie au ralenti se traduira donc mécaniquement par un ralentissement de la demande de gaz naturel. Les tensions géopolitiques peuvent aussi avoir un effet certain sur les cours du gaz naturel. Le premier producteur de gaz naturel est ainsi la Russie et sa politique pousse parfois les autres gouvernants à prononce des sanctions commerciales contre ce mastodonte du secteur. Autant d’éléments qui expliquent la complexité du marché du gaz naturel, et sa difficulté à s’y positionner en tant que simple particulier.
Le gaz naturel se négocie sur le marché en MBTU, à savoir en Million British Thermal Unit. Il s’agit d’une unité de mesure de l’énergie nécessaire pour chauffer un liquide. Mais sans rentrer dans les détails techniques, c’est l’unité de mesure dans laquelle les opérateurs achètent ou vendent du gaz naturel. Toutefois, ce marché est bien trop complexe pour le simple particulier. Nous ne pouvons que vous conseiller de vous tourner vers des certificats, plus faciles à comprendre, et dont le ticket d’entrée est bien moindre que le marché à terme, et ses contrats. Il existe aussi la possibilité de se positionner sur un panier d’actions lié au secteur du gaz. Certains indices ont même été créés. Toutefois, l’évolution d’une entreprise n’est pas entièrement corrélée à l’évolution du prix du gaz, et une société peut très bien voire son cours chuter alors que le gaz s’envole.
Le gaz naturel est donc, bien qu’étant une énergie non renouvelable, une énergie d’avenir. Les réserves potentielles sont plus qu’élevées. Cela risque donc d’en faire un excellent complément à la production pétrolière dont le pic a semble t-il été atteint. Les utilisations du gaz naturel sont nombreuses, et le développement des technologies permettra peut être d’élargir un peu plus son champ d’application.