Pierre Perrin-Monlouis Dernière mise à jour: 21 octobre 2021
La bourse n’est pas un lieu où le risque zéro existe. Quelque soit votre placement, le risque est non nul. Récemment, on a même redécouvert les risques de défaut de paiement des Etats. Les emprunts d’Etat ne sont ainsi même pas garantis contre une éventuelle défaillance du pays. Tout est risque. Le savoir est indispensable pour trader sur les marchés. Mais même si vous avez connaissance de tous les risques possibles, le pire n’est jamais sur. Il peut être bien plus grave que le pire scénario que vous avez pu imaginer.
Les institutions financières, les banques ou encore les compagnies d’assurances calculent même les scénarios du pire ou worst case scenario. Autrement dit, ils extrapolent des cas extrêmes sur l’environnement économique pour calculer l’impact sur leur portefeuille. Ce genre de scénarios reste toutefois cohérent. Les institutions n’envisagent pas l’invasion du pays par des extra terrestres. Toutefois, ces scénarios restent parfois en deçà de la réalité des faits. Se rappeler de ces cas extrêmes est une bonne façon pour un trader, particulier ou non, de rester humble face aux marchés.
Nous listons ci-dessus des événements si marquants, et si brutaux, que même le meilleur des traders, exposé sur ces actifs, n’aurait pu le prévoir.
2015 : L’envolée du Franc Suisse
La Banque Nationale Suisse est une banque centrale indépendante. En janvier 2015, elle décide contre toute attente d’abandonner le plafond qu’elle s’était fixée avec l’Euro. La banque centrale explique en partie cela par le coût pour conserver un tel plancher, et par un risque de surchauffe de l’économie suisse. Du jour au lendemain, le franc suisse s’envole face au dollar et à l’euro. En intégrant les changes flottants, le franc suisse réagit désormais en fonction de l’offre et de la demande. L’économie suisse étant forte, sa monnaie est recherchée, surtout par rapport à l’euro, et immédiatement le franc suisse grimpe. La hausse est la plus violente depuis la fin des accords de Bretton Woods en 1971.
Aucun trader ne pouvait prévoir un tel scénario. De nombreux particuliers investissant sur le Forex ont ainsi perdu tout leur portefeuille en une journée. Plusieurs brokers ont également du mettre la main à la poche pour compenser les comptes négatifs de leurs clients. Les ordres stop n’ont pas pu être effectués. La chute étant bien trop violente. Des ordres stop garantis auraient pu toutefois résoudre une partie du problème. Ces ordres stop sont en effet garantis par les brokers sur le Forex. Les brokers rachètent alors les positions des clients au niveau du stop garanti.
2008 : le corner de Volkswagen
Un corner consiste à ne laisser d’autres choix aux traders que celui qu’on a choisi pour eux. Autrement dit, un corner consiste à manipuler le marché. C’est un peu ce que l’on a reproché à Porsche dans l’affaire du titre Volkswagen de 2008. Alors que les ventes à découvert ont été interdites en Allemagne sur les valeurs financières avec la crise des subprimes, les traders bearish décident de se porter sur les valeurs industrielles et plus précisément sur Volkswagen. Le nombre de titres vendus à découvert est énorme, trop énorme. En effet, le nombre de titres de Volkswagen détenu par Porsche, l’actionnaire principal, est bien supérieur aux estimations les plus optimistes. Plus de 94% du capital du constructeur automobile est en réalité non échangeable sur le marché. Les quelques titres en circulation ne sont pas à même de répondre aux besoins des vendeurs à découvert. Ces derniers se retrouvent dans l’obligation de racheter très vite leurs positions. Ils achètent en masse les derniers titres en circulation, mais c’est trop tard. Le titre passe finalement de 211 euros à plus de 1.000 euros … pour redescendre ensuite.
Personne n’avait pu imaginer un tel scénario. Un investisseur particulier qui décide de placer une vente à découvert sur VW à 211 euros le vendredi pour 10.000 euros, peut se retrouver à devoir déboucler sa position en rachetant les titres à 1.000. 47 titres vendus à 211 euros, rachetés finalement à 1.000 euros, soit une perte plus de 37.000 euros. Autant dire que les ordres d’achat à seuil de déclenchement n’ont pas du tout protéger ces vendeurs à découvert.
Septembre 1998 : Alcatel
Alcatel est alors une valeur phare de la bourse de Paris. Ce conglomérat a profité des dernières années pour multiplier les acquisitions. Depuis 1995, le groupe est dirigé par Serge Tchuruk, l’ancien président de Total. Les déboires provoquées par Pierre Suard semblent être oubliés, et l’entreprise est dans une bonne dynamique. Elle a même été sous les feux de projecteurs en juin 1998 après avoir introduit Alstom.
Mais le jeudi 17 septembre 1998, tout bascula. A l’époque, les comptes intermédiaires n’étaient pas aussi nombreux qu’aujourd’hui, tous les trimestres. De fait, certaines annonces pouvaient réellement surprendre les investisseurs, et ce fut le cas quand Serge Tchuruk a annoncé une performance bien en deçà de ce qui était prévu. La sanction ne tarde pas et le titre Alcatel s’effondre. En quelques heures, le titre chute de 37%. Les ordres à seuil de déclenchement sont tous inopérants, et le titre est suspendu de longues heures. Les investisseurs sont pris au piège et doivent juste prendre leur mal en patience pour seulement pouvoir prendre leurs pertes.
Depuis lors, la communication financière des entreprises est plus cadrée et plus régulière, afin d’éviter de trop fortes déconvenues.
1995 : Tremblement de terre au Japon
Quoi de plus imprévisible qu’une catastrophe naturelle ? Le tremblement de terre de Kobe qui a ravagé une partie du Japon en 1995 a provoqué des soubresauts bien au delà du Japon. Cette catastrophe naturelle a même dévoilé l’une des plus importantes duperies de tous les temps, celle d’un certain Nick Leeson. Ce génie des finances était l’un des principaux responsables des bons chiffres de la banque Baring’s. Il spéculait sur les devises dans la filiale de Singapour de la prestigieuse banque anglaise. Mais plusieurs petites erreurs l’ont poussé à créer un compte erreur pour masquer ses pertes. Nick Leeson, cherchant à solder ce compte, n’a fait que le faire grossir, à tel point qu’il se devait de le dissimuler à sa hiérarchie et aux organismes de contrôle tant la perte réelle était élevée.
Ses positions étaient de plus en plus lourdes sur le marché, et en grande partie, pour seulement masquer sa perte. Mais une de ses dernières opérations l’a conduit à sa fin. Il prend position sur le Yen en jouant sur le fait que le cours de la devise n’évoluerait pas durant la nuit. Malheureusement pour lui, un tremblement de terre frappe sévèrement le pays, à Kobe, et malgré les positions suivantes qu’il prendra, il ne pourra récupérer ses pertes. Plus d’un milliard de dollars s’évapore et la Baring’s est même obligée de se déclarer en faillite. Depuis lors, il a été plus que dépassé par un certain Jérôme Kerviel.
2008 : Faillite de Lehman Brothers
La crise des subprimes a profondément marqué l’histoire américaine de ces dernières décennies, mais aussi l’histoire mondiale. Les conséquences de cette crise furent elles qu’elles rejaillisent encore 6 ans plus tard sur toute la planète. La banque d’affaires Lehman Brothers fut très impactée par le scandale des subprimes. Ces actifs immobiliers risqués composaient une grande part des actifs détenus par Lehman Brothers. Devant l’impossibilité de les céder sur le marché, la banque chercha à les vendre à des spécialistes mais également sans succès. La perte potentielle était telle qu’elle pouvait provoquer la faillite du groupe.
Toutefois, les Etats-Unis durant toute cette période ont aidé massivement de nombreuses banques et créanciers hypothécaires. Merrill Lynch, Bear Stearns ou encore Freddie Mac sont sauvés grâce à l’aide massive du gouvernement US. La plupart des investisseurs considérait que les Etats-Unis viendrait aussi au secours de Lehman Brothers et qu’ils ne laisseraient pas chuter cette banque. Mais le gouvernement en décide autrement, et Lehman Brothers annonce officiellement sa faillite le 15 septembre 2008. Un séisme dans le monde financier qui ne s’attendait pas à ce que la banque ne soit pas sauvée par l’Etat.
Il ne s’agit bien là que d’exemples mais qui ont provoqué la ruine, ou la fortune, de nombreux investisseurs. Ils sont là pour vous rappeler que tout est possible, et que la diversification reste un excellent moyen de limiter les conséquences de tels événements.