21 octobre 2021 Pierre Perrin-Monlouis
Il y a encore quelques années, les dirigeants français percevaient des rémunérations bien inférieures à leurs voisins d’Outre-Atlantique. Nos principaux dirigeants ne pouvaient que rêver de parachutes dorées ou de salaires à 7 chiffres. Mais depuis le XXIème siècle, la constitution de grands groupes français, et la mondialisation, les rémunérations des dirigeants français ont fortement progressé. Ces derniers n’envient plus les dirigeants américains. L’envie s’est peut être même déplacée.
Alors qu’un salarié perçoit une rémunération principale, son salaire, et quelques suppléments (avantages en nature, intéressement, etc.), le dirigeant de multinationales dispose de nombreuses formes de rémunérations. Le salaire n’en est plus qu’une composante, bien souvent inférieure aux autres.
Découvrons ci-dessous les formes les plus courantes de rémunérations de nos dirigeants.
Sommaire
- Golden Hello
- Rémunération fixe
- Rémunération variable
- Avantages en nature
- Stock Option
- Attribution d’actions gratuites
- Golden Parachute
- Clause de non-concurrence
- Retraite chapeau
Golden Hello ou prime de bienvenue
La Golden Hello a fait les gros titres des médias suite à la faillite d’Air Liberté. L’ancien dirigeant, Jean-Jacques Corbet, avait bénéficié d’une Golden Hello de 856.000€. Une golden hello est une prime de bienvenue. La concurrence étant rude sur le marché des dirigeants, les sociétés n’hésitent plus à verser une prime à la signature du contrat d’embauche. Ce genre de prime n’est pas sans rappeler les primes à la signature versées aux joueurs de football.
La Golden Hello a notamment été créée pour lever les clauses de non-concurrence. La plupart du temps, le départ d’un dirigeant implique une clause de non-concurrence. Ce dernier n’a pas le droit de travailler pour une entreprise du même secteur durant une durée déterminée. Pour lever cette clause, le dirigeant doit verser de fortes sommes. L’entreprise qui souhaite l’embaucher n’hésitera pas à verser ces sommes à travers une Golden Hello.
Mais la golden hello peut aussi servir à attirer un dirigeant compétent au sein d’une structure en perte de vitesse. Comme un prêteur hésitera à faire confiance à une société déficitaire, un dirigeant ne souhaitera pas naturellement se rapprocher d’une telle société. Une société qui n’a pas l’aura nécessaire à attirer les meilleurs dirigeants devra donc les attirer par l’argent.
Rémunération fixe
Autrefois sous-rémunérés par rapport à leurs collègues britanniques ou américains, les dirigeants français ont profité depuis ces dernières années d’un fort rééquilibrage. La bonne tenue de l’Euro doublée de la création de nouveaux groupes européens plus puissants, ont permis aux dirigeants français de faire jeu égal avec leurs collègues américains.
Le salaire de base peut dépasser le million d’euros annuel mais cela ne concerne qu’une infime minorité de dirigeants. La très grande majorité de dirigeants en France ne dépasse pas les 6 chiffres de rémunération.
Cette rémunération fixe autrefois composante essentielle à la rémunération totale peut désormais se voir dépasser par la rémunération variable ou aux stocks options.
Rémunération variable / Bonus
Un bon dirigeant se reconnaît à la réalisation des objectifs que lui a donné le conseil d’administration ou de directoire. Ainsi, le dirigeant perçoit une prime s’il réalise un objectif précis. Ces objectifs peuvent être de tout ordre, mais doivent être quantifiables : cours de bourse, hausse du chiffre d’affaires, meilleure rentabilité, restructuration, etc.
Si ces objectifs sont réussis, le dirigeant perçoit une prime dite bonus. Ce bonus peut être supérieur au salaire de base et permet de rémunérer le dirigeant au plus juste de ses qualités et de son travail. Si les objectifs ne sont pas atteints, pas de bonus… et à terme vraisemblablement plus de salaire.
Dans la pratique, la rémunération variable est versée même si le dirigeant n’a pas atteint tous ses objectifs. Ainsi un dirigeant peut voir sa rémunération fortement augmenter d’une année sur l’autre alors que les fondamentaux de la société se sont dégradés. Le dirigeant se concentrant sur quelques points et négligeant les aspects essentiels des métiers du groupe. La crise de 2008 s’est traduite par l’annonce de l’abandon des rémunérations variables de plusieurs dirigeants. Ces derniers ont souhaité abandonner leurs bonus après l’annonce de restructurations.
Avantages en nature
Voiture de fonction, appartement de fonction, carte bleu sans limite, etc, etc, etc. Les avantages en nature sont le petit “plus“. Peu significatif par rapport à la rémunération globale, ils font partis de la négociation lors de la signature d’un contrat d’embauche. Ainsi, un dirigeant peut négocier ses frais de déménagement au moment de la signature de son contrat. L’entreprise prendra en totalité les charges liées à son changement de domicile.
La retraite complémentaire est aussi un des éléments importants des avantages en nature. Le statut particulier des mandataires sociaux fait qu’ils n’ont pas le droit aux indemnités chômage par exemple. L’entreprise peut donc cotiser au nom de ses dirigeants pour la retraite, le chômage, etc.
Stock Option
Les stock options sont sans aucun doute l’un des instruments de rémunérations qui a cristallisé le plus de gens contre lui. Un stock option est une option permettant d’acheter à un prix déterminé à l’avance une action précise. Le plus souvent, les stock options sont synonymes de fortes plus values. Le prix d’achat ou strike est bien évidemment inférieur au cours de la société. Plus le cours de la société s’accroît, plus les stocks options deviennent avantageux pour le dirigeant.
Les stock options ont toutefois deux problèmes majeurs. D’une part, ils obligent le dirigeant à disposer de fortes sommes lorsqu’ils souhaitent lever les options d’achats. Il achète les titres et donc, même si le coût est plus faible, cela peut correspondre à des sommes immobilisées importantes. Il est fréquent que dans ces cas, les banques leur prêtent facilement les sommes nécessaires.
D’autres part, les stock options sont basées sur la performance boursière. Plus un dirigeant aura fait grimper le cours de bourse, plus il percevra. Mais le cours du bourse n’est pas la réalité économique de l’entreprise. Cette dérive peut être dangereuse pour la santé financière de la santé.
Les BSPCE sont eux une variantes françaises des stock options.
Ainsi la distribution de stock options à un dirigeant peut se traduire par une rémunération de plusieurs dizaines de millions d’euros quelques années plus tard en fonction de l’envolée du cours de bourse, et ce, sans bourse déliée pour le dirigeant. Le dirigeant a donc tous les avantages de la hausse du cours, sans les désavantages d’une éventuelle baisse du titre. En effet, si le titre chute, le dirigeant n’exercera pas ses stock options. Il n’aura alors perdu qu’une rémunération potentielle et non de l’argent.
Attribution d’actions gratuites
Avec un intérêt grandissant, l’attribution d’actions gratuites est encore plus favorable pour les dirigeants que les stock options. Pas de montant à lever, pas de crainte de voir le cours baisser. Dans tous les cas, le dirigeant est gagnant… à moins que l’entreprise fasse faillite.
En lieu et place d’une option, le dirigeant reçoit directement une action. Il ne la payera pas. Celle-ci lui sera offerte gratuitement. Il peut recevoir des actions gratuites tous les ans, ou encore à certains moments. Elles sont aussi une bonne façon d’attirer les meilleurs dirigeants au sein d’entreprises en croissance, mais encore peu rentables.
Golden Parachute
Les dirigeants sont sur un siège éjectable. Ils peuvent être licenciés du jour au lendemain par le Conseil d’Administration. Cette précarité de l’emploi a expliqué bien longtemps les primes versées lors du licenciement. Mais les Golden Parachutes semblent ne plus être seulement une compensation pour cette précarité. Au fil des années, les parachutes dorés se sont fait de plus en plus lourds. Le parachute est plus près du dirigeable que de la simple toile.
Ces Golden Parachutes sont souvent mal compris par les actionnaires, les salariés et le grand public. Négocié lors de la signature du contrat, le golden parachute peut représenter plusieurs millions d’euros même après quelques mois dans l’entreprise. Ces primes marquent, qui plus est, l’échec du dirigeant. Il est licencié mais on lui verse une jolie somme pour le remercier.
Les parachutes dorés ont la mauvaise habitude d’être versés en une seule fois. Les sommes concernées ne passent pas inaperçues et les médias en font souvent leurs gros titres. Certains dirigeants se voient même obligés de renoncer à leur golden parachute afin de ne pas trop froisser l’opinion.
La clause de non-concurrence
Voir son ancien dirigeant être nommé à la tête de son principal concurrent, le lendemain du licenciement est toujours délicat à gérer. La clause de non-concurrence permet à l’entreprise de se garantir que leurs anciens dirigeants n’iront pas travailler, immédiatement, pour l’ennemi, le concurrent. Cette clause ayant un coût financier pour le dirigeant (ne pas pouvoir travailler dans un secteur où vous avez une longue expérience), ce dernier perçoit souvent une prime de non-concurrence. Il est payé pour ne pas travailler ailleurs. Cette prime peut être associée au Golden Parachute, et gonfler le montant de ce dernier. Cette clause est toutefois limitée dans le temps. Il est interdit de mettre en place une clause sans limitation de durée.
Retraite chapeau
L’âge des dirigeants ne rajeunissant pas, leur retraite est devenue un enjeu de négociation. Les dirigeants qui ont vécu plusieurs années avec des rémunérations à 6 ou 7 chiffres souhaitent conserver un haut niveau de revenus pour leur retraite. La retraite-chapeau est là pour ça. Ce régime différentiel permet à un ancien dirigeant de percevoir un pourcentage fixe de son ancien salaire. L’ensemble des retraites qu’il peut percevoir sont calculés. La retraite-chapeau comble l’écart existant entre ce montant et le pourcentage défini dans le contrat. Ainsi, une entreprise peut continuer à verser une rémunération sous forme de retraite à ses anciens dirigeants, plusieurs décennies après leur départ.
Exemple : un dirigeant perçoit un salaire de 1 million d’euros et a signé une retraite-chapeau à 60%. Le jour de son licenciement, le total de ses différentes retraites sont de 27.000 euros. La différence : (0,60 x 1.000.000 = 600.000) – 27.000 = 573.000 euros. Cette différence sera versée par l’entreprise directement à son ancien dirigeant, soit chaque année, soit en une seule fois.
Carrefour a notamment provisionné une retraite-chapeau de 29 millions d’euros pour le départ de Daniel Bernard. Ces sommes sont souvent décidées dans le secret et les actionnaires ne sont que rarement informés.
La retraite-chapeau a cela d’étrange qu’elle n’a pas à proprement parlé de justifications. Comment peut-on justifier qu’une entreprise continue de rémunérer, plusieurs années après son départ, un ancien dirigeant ? Même si le dirigeant a été exceptionnel durant ses dix années de mandat, pourquoi continuer à le rémunérer 20 ans après son départ, alors même que l’entreprise n’est peut être pas au mieux ?
D’autres formes de rémunérations, plus symboliques, existent aussi. Elles permettent à l’entreprise de rémunérer ses dirigeants avec un minimum de cotisations sociales.
La très forte envolée des rémunérations des dirigeants européens et notamment français a été critiquée autant par le grand public, que par les actionnaires. Certains actionnaires n’acceptant que très mal des parachutes dorées à des dirigeants qui ont très mal gérés leurs entreprises. La crise de 2008 a accentué ce phénomène, et la relative modération salariale semble être redevenue la règle.