Pierre Perrin-Monlouis Dernière mise à jour: 21 octobre 2021
Au fil des années, et des décennies, le football est devenu le sport roi à travers toute la planète. La Coupe du Monde concurrence les Jeux Olympiques en terme d’audiences et les milliardaires ne cessent de vouloir investir pour développer leur club. Les sommes en jeu sont devenues telles que pour la saison 2012-2013, le club du PSG disposera d’un budget de 300 millions d’euros. Bien loin toutefois des plus gros clubs espagnols ou anglais.
Dans ce monde où le sport et l’argent se côtoient quotidiennement, les transferts de joueurs sont surement les évènements les plus médiatiques. En France, deux fois par an (de mi-juin à et début septembre, et au mois de janvier), les clubs peuvent acquérir, ou céder, les contrats de joueurs qu’ils convoitent ou dont ils souhaitent se désengager. En effet, lors de l’embauche d’un joueur, ce dernier signe un contrat, qui n’est autre qu’un contrat à durée déterminée. Le joueur et le club se mettent d’accord sur un salaire mensuel, une durée, des bonus (prime de matchs, prime par but, etc.), des conditions de travail, des modalités de résiliation ou sur tout élément pouvant être contractualisés. Ainsi, rien n’empêche un joueur d’exiger de disposer d’un véhicule de fonction de telle ou telle marque. Tout est affaire de négociation tripartique. D’un côté le club, de l’autre, le joueur et son agent. C’est ce dernier qui est notamment chargé de négocier les contrats avec son protégé. Tout naturellement il percevra une commission.
Durant toute la durée du contrat, le club se devra de le respecter. Il en est de même pour le joueur. Ainsi, si un joueur se blesse malheureusement au bout d’un sixième mois d’un contrat de 4 ans, et qu’il ne retrouve jamais son meilleur niveau. Rien ne l’oblige à quitter le club. Il continuera donc à percevoir sa rémunération. Mais un joueur talentueux peut aussi avoir des envies d’ailleurs. Découvrir un nouveau championnat, avoir de nouvelles ambitions, ou tout simplement vouloir progresser. En accord avec le joueur, le club pourra donc être amené à proposer le contrat du joueur sur le marché. Le club ne vend pas le joueur en tant que tel mais son contrat, à savoir un ensemble de droits contractuels. Le montant de ce transfert versé par le club acheteur au club vendeur peut se chiffrer en dizaines de millions d’euros. Cristiano Ronaldo a ainsi été acheté par le Real Madrid 96 millions d’euros. Ce montant s’expliquait à la fois par les qualités intrinsèques du joueur, par son image, par la capacité de négociation de Manchester United et par l’arrivée d’un nouveau président à la tête du Real Madrid.
Par le passé, la passation comptable d’un transfert dans le football était simple. Pour un transfert de 2 millions d’euros comprenant un contrat de 4 années, le club enregistrait les 2 millions d’euros en charge à répartir sur 4 ans. Ainsi à l’issue du contrat, le montant du transfert n’apparaissait plus. Mais avec la hausse des sommes en jeu et la place toujours plus importante des joueurs dans le patrimoine du club, les recommandations comptables ont évolué. Ainsi, le contrat de joueurs n’est plus une simple charge, mais est devenu un élément du patrimoine, un actif et plus précisément une immobilisation incorporelle. Comme une voiture, une machine ou une usine, le contrat de joueur de football est une immobilisation.
Toutefois, la durée du contrat n’évolue pas. Dans notre exemple, elle est toujours de 4 ans. Ainsi, comme le comptable pourrait le faire avec une machine, il amortit la valeur du transfert sur la durée de ce même contrat. Chaque année, et ce pendant 4 ans, des amortissements seront donc calculés. 500.000 euros par an pour notre cas. Ainsi, à l’issue du contrat la valeur nette de l’immobilisation incorporelle représentée par le contrat du joueur sera nulle. Sa valeur brute sera toujours de 2 millions d’euros, mais elle aura été totalement amortie. Il faut bien rappeler qu’il ne s’agit nullement de considérer le footballeur comme un bien immobilier. Il s’agit uniquement de son contrat.
Mais alors qu’il est facile de calculer le degré d’obsolescence d’une machine outil, la durée d’amortissement d’un contrat de football peut être jugée trop longue. Prenons le cas d’un joueur acheté 20 millions d’euros, avec un contrat de 5 ans. Comptablement, 4 millions seront amortis chaque année. A l’issue du contrat, les 20 millions seront entièrement amortis. Mais imaginons qu’après un an, le joueur ait perdu tout son talent, voire même se soit blessé très sévèrement au point que sa cote s’est effondrée. Ainsi, les spécialistes du football estiment tout au plus sa valeur à 5 millions d’euros. A cause du principe de précaution, les responsables du club devront pratiquer une dépréciation sur la valeur comptable du joueur. L’exercice comptable en cours doit refléter les évènements survenus lors de cet exercice. L’éventuelle blessure ou la baisse très probable de la valeur du joueur doit donc être inscrite au moment de sa survenance. Les clubs pratiquent ainsi annuellement des tests de dépréciation pour savoir si la valeur comptable de leurs éléments n’est pas trop élevée par rapport à leur valeur réelle.
Il est fréquent de lire sur les forums dédiés au football et même dans la bouche de journalistes sportifs que tel ou tel club n’a pas fait de plus-value avec un joueur car il a été revendu moins cher que ce qu’il avait été acheté. Pour faire simple, il n’est pas rare de lire qu’il y a moins value quand un joueur acheté 15 millions est revendu 10 millions. Comptablement, c’est très loin d’être aussi simple. La plus-value ne se calcule pas sur la valeur brute, à savoir sur le montant du transfert, mais sur la valeur nette. Cette valeur nette se calcule en soustrayant de la valeur brute, les amortissements annuels. Ainsi un joueur acheté 15 millions d’euros avec un contrat de 3 ans aura déjà été amorti à hauteur de 10 millions d’euros au bout de deux années. Sa valeur nette sera alors de 5 millions d’euros. En le revendant 10 millions, le club engrange une plus-value de 5 millions d’euros. Certes, cette plus-value est seulement comptable mais elle apparaîtra très clairement dans les comptes, et dans les bénéfices du club, alors que la différence entre le prix d’achat et le prix de vente n’apparaîtra nul part. Ceci peut expliquer pourquoi certains présidents de clubs se félicitent de la vente de certains joueurs alors que le transfert semblait à première vue être un mauvais choix financier. Dans le sens contraire, la cession d’un joueur formé au club est une très bonne chose pour le club car il n’a pas eu à débourser, ni à amortir, d’argent pour un quelconque transfert lors de son arrivée au club. Il a du toutefois former le joueur.
Le salaire du joueur, ses bonus, et indemnités dues à son agent restent par contre des charges. Il ne s’agit pas d’une quelconque augmentation du patrimoine de l’entreprise, mais tout simplement des dépenses classiques liées à l’exploitation du club. Elles apparaissent donc dans le compte de résultats chaque année. La renégociation du salaire est aussi un aspect indispensable pour la bonne gestion d’un club de football car ce dernier doit jongler entre la venue de grands joueurs ou le maintien d’anciens, et un équilibre budgétaire parfois complexe.
Les clubs de football professionnels ne sont donc plus ces associations à but uniquement sportif d’il y a quelques décennies. Le club de football est devenu une entreprise comme les autres, et les contrats de joueurs en sont devenus leur patrimoine. Avec la hausse des montants en jeu, la masse salariale et le coût de transferts sont devenus des éléments majeurs de l’équilibre budgétaire d’un club. En contrepartie, le chiffre d’affaires (droits télévisuels, sponsoring, etc.) n’a jamais été aussi élevé à travers la planète.